Abdelouahed Kerrar, PDG de BIOPHARM, président de l’UNOP, vice-président du CREA : « comment rendre les prix des médicaments plus abordables »

El Moudjahid : Cela fait cinq ans que Biopharm organise annuellement une journée d’étude consacrée à une thématique médicale. Pourquoi avoir choisi, pour 2025, la thématique des maladies rares ?

Abdelouahed Kerrar : Nous avons évoqué, cette année, les maladies rares, pour deux raisons principales. L’Algérie a adopté, par un arrêté daté de novembre 2024, la liste des maladies rares prises en charge et, surtout, a identifié tous les traitements indispensables pour la prise en charge de ces maladies rares. Six mois plus tard, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a adopté une résolution mettant les projecteurs sur la nécessité, pour les pays, d’avoir des politiques axées sur l’identification et le traitement des maladies rares. Notre objectif, aujourd’hui, est de mettre en place un plan d’action, pour rendre disponibles les 117 produits pharmaceutiques qui figurent dans l’arrêté.

Doit-on comprendre, par là, que le laboratoire Biopharm a la volonté de mettre à disposition toutes les molécules et tous les traitements figurant dans l’arrêté ?

Biopharm n’a pas cette ambition de produire tous les traitements des maladies rares. Nous sommes devant un paradoxe : nous avons plus de 200 unités de production qui, souvent, fonctionnent à moins de 50% de leurs capacités et, d’un autre côté, des patients ont besoin de certains médicaments qui sont technologiquement à notre portée, qui ne sont pas brevetés et qui restent non fabriqués. Notre ambition est de mobiliser le tissu industriel, en collaboration avec les autorités sanitaires et le ministère de l’Industrie, pour rendre ces médicaments à la portée de nos patients. Notre second objectif, qui est un plus compliqué, est de produire des génériques. Il y a des produits qui sont brevetés et excessivement chers. Certaines multinationales les enregistrent auprès de l’Institut national algérien de propriété industrielle (INAPI), pour bénéficier d’une protection juridique, mais elles ne prennent pas la peine de venir les enregistrer auprès de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP), ce qui prive nos patients de la disponibilité de ces médicaments. En même temps, nos producteurs ne peuvent pas les fabriquer, parce qu’ils sont brevetés. Pour cela, nous avons un outil juridique en Algérie qui permet de demander des licences obligatoires à ces multinationales. Il existe des instruments juridiques, pour rendre ces médicaments disponibles à des prix plus abordables.

Pas moins de 80% des maladies rares sont génétiques et beaucoup de spécialistes des maladies rares ont relevé la nécessité de dépister de manière précoce en effectuant des examens génétiques. Or, il n’existe pas de laboratoires génétiques dédiés en Algérie. Quelles solutions préconisez-vous en ce sens ?

Je ne suis pas spécialiste dans le diagnostic. Je me concentre sur ce que je sais faire, à savoir les traitements et les produits pharmaceutiques. Ce que je sais, d’une manière générale, c’est que nous avons des progrès à faire sur le plan du diagnostic. Parfois, ce n’est même pas un problème budgétaire. C’est un problème organisationnel. L’État a fait ce qu’il fallait faire : identifier les maladies rares sous l’égide du président de la République, et mettre un budget de 20 milliards de dinars, ce qui est un effort budgétaire colossal. À présent, c’est aux acteurs, qui sont à un étage inférieur, de s’organiser et de s’impliquer davantage et, surtout, d’apprendre à travailler en équipe.

En votre qualité de vice-président du Conseil du renouveau économique algérien (CREA), comptez-vous soumettre des propositions à vos pairs au sein du CREA spécialisés en biologie d’investir dans des laboratoires de biologie génétique ?

Nous avons déjà des producteurs de réactifs. Certes, il ne s’agit pas de réactifs génétiques, mais les choses doivent se faire pas à pas, graduellement. Je vous ai parlé de tout ce qui est thérapeutique, parce que c’est ce que je maîtrise, mais il existe une commission nationale qui a sûrement identifié les tests nécessaires selon l’effort budgétaire. Par exemple, pour la maladie de mucoviscidose, est-ce que l’Algérie va opter pour des tests à la naissance ou non ? Cela dépend des budgets alloués, sachant que nous avons pratiquement 2 millions de nouvelles naissances par an. Il en va de même pour d’autres maladies rares. Tout cela entre dans un plan national. Ce qu’il faut dire, c’est qu’il faut aller aux choses opérationnelles. Il faut qu’on travaille sur des objectifs. Par exemple, concernant les médicaments, si on dispatche les produits à fabriquer sur des producteurs, ils auront des délais de production à respecter, et l’ANPP devra les enregistrer rapidement. N’oublions pas une chose : les malades sont là, ils souffrent et ils ne peuvent pas attendre.

F. A.

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