Saïda vue par des écrivains européens des XIXe et XXe siècles : «Le pays relégué…»

Séduits par la beauté des paysages qu'ils ont parcourus durant leur séjour dans notre pays, de nombreux écrivains européens ont tenu à les décrire dans leurs écrits. Saïda fait partie de ces sites et localités qui ont enchanté les plus célèbres d'entre eux. Jules Verne, Guy de Maupassant, Isabelle Eberhardt, pour ne citer que ceux-là, figurent parmi ces écrivains qui ont immortalisé la ville et sa région.

Les illustres œuvres littéraires qui font référence à la ville de Saïda et sa région regorgent ainsi de qualificatifs dans la description de cette prestigieuse cité. Les extraits qui caractérisent la ville dans les œuvres citées traduisent la fascination de ces célèbres écrivains par les paysages pittoresques d’Algérie durant leur voyage. Aussi, ces derniers ont-ils tenu à les dépeindre dans leurs œuvres. Une impression commune se dégage à travers les extraits ci-après : celle d’une agréable découverte doublée d’un émerveillement.

Jules Verne (1828-1905)

Dans son roman intitulé Clovis Dardentor (1896), Jules Vernes nous invite à un voyage touristique effectué par son personnage principal, Dardentor, à travers l’Algérie.
Saïda figure en bonne place dans l’itinéraire du groupe de touristes qui accompagnent ce dernier : «C’est parfait, déclara M. Dardentor, et l’organisation fait honneur au directeur des Chemins-de fer algériens. Nous n’avons qu’à le féliciter des mesures prises. Demain, à neuf heures, rendez-vous à la gare, et puisque nous avons une journée à nous déambuler, en route, mes amis, et visitons Saïda la belle.» (ibid. p. 241-242).
Le narrateur entame ensuite une description du paysage : «Les environs de Saïda offrent de jolis aspects, des paysages disposés pour l’enchantement des yeux, des points de vue pittoresques à tenter la palette d’un peintre. Là aussi, se développent d’opulents vignobles, de riches pépinières où s’épanouissent toutes les variétés de la flore algérienne. En somme, comme dans les trois provinces de la colonie française, la campagne algérienne révélait ses qualités productives.»
(Jules Verne, Clovis Dardentor . Collection Serpent rouge, Editions Hetzel 1896, p.239)

Guy de Maupassant (1850-1893)

Dans son recueil de voyages intitulé Au Soleil 1888), avec son ethnocentrisme avéré dans la description du colonisé et son parti pris par rapport à la situation de domination, l’auteur livre certains passages descriptifs d’une beauté exaltante : «Saïda… c’est une petite ville à la française (…) en pierre de pourpre et entaillée par places par des brèches où tombent les pluies d’hiver. Dans le ravin, coule la rivière au milieu d’un bois de lauriers roses. D’en haut, on dirait un tapis d’orient étendu dans un corridor. La nappe de fleurs paraît ininterrompue, tachetée seulement par le feuillage vert qui la perce par endroits. L’oued Saïda, fleuve là-bas, ruisseau pour nous, s’agite dans les pierres sous les grands arbustes épanouis, saute des roches, écume, ondoie et murmure. L’eau est chaude, presque brûlante. Un aigle surpris s’envole de son repaire, s’élève vers le ciel bleu, monte à coups d’ailes lents et forts, si large qu’il semble toucher aux deux murailles. Au bout d’une heure, on rejoint la route qui va vers Aïn El Hadjar (…)»
(Guy de Maupassant, Au Soleil. Recueil de notes de voyages, 1988) ; Bel-Ami. Collection Poche, réédition, 1999, p.76 / 5-).

Isabelle Eberhardt (1872-1904)

Elle est l’auteure féconde d’une dizaine d’œuvres parmi lesquelles Nouvelles algériennes.
Dans l’ombre chaude de l’Islam, Mes Journaliers, Trimardeur. Dans la préface de Trimardeur (1922), à la page 9 (4), Victor Barrucand, qui accompagnait Isabelle Eberhardt, raconte leur séjour à Saïda où ils firent une halte le 29 janvier 1904. Saïda connaissait alors un hiver particulièrement rude avec d’abondantes chutes de neige. Voici ce que Barrucand écrivit à propos de ce voyage : «En février 1904, partis avant le jour d’Aïn Sefra avec notre amie, par une affreuse tourmente des Hauts-Plateaux, nous n’arrivâmes que dans la nuit à Saïda.
Le petit train du Sud avait dû stopper pendant de longues heures entre Kreider et Mecheria. Isabelle, nullement déconcertée, plaisanta en réclamant le soleil, elle qui avait affronté à cheval les nuits glaciales des Hauts-Plateaux ; ce qui n’était pas le cas du journaliste citadin que j’étais, habitué au confort douillet.»
Dans Trimardeur, Isabelle raconte les pérégrinations de son demi-frère Augustin à Saïda, de ses différents lieux pittoresques mais aussi de ses habitants simples, hospitaliers et braves.
(Isabelle Eberhardt, Trimardeur. Edition Fasquelle, Paris, 1922, p.9 / 6-)
Comme nous l’écrivions plus haut, la beauté et l’enchantement suscités par les paysages de la région ont été remémorés à travers ces écrits littéraires, comme pour nous suggérer implicitement que ce passé, pas si lointain, pourrait être «ressuscité».

(*) El Watan du 20 mars 2010.
Kamel Bouslama

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