Portrait : Amel Bouchareb le polar à fleur de peau

Ph. : Nacera I.
Ph. : Nacera I.

La romancière à succès Amel Bouchareb a animé, hier, une conférence en compagnie de sa traductrice italienne Jolanda Guardi autour de sa trilogie policière. La principale thématique de la rencontre a été la traduction de l’arabe à l’italien ainsi que des débats autour des particularités du polar, genre littéraire privilégié de l’auteure. Née à Damas, diplômée en traduction à l’université d’Alger et établie en Italie, Amel Bouchareb a insisté de prime abord sur la nécessité de publier ses ouvrages d’abord en Algérie, et ce depuis le début de son parcours créatif. «Tous mes livres ont été édités d’abord en Algérie, car il est très important pour moi de rester en contact direct avec les lecteurs de mon pays. Les protagonistes de mes œuvres sont Algériens, il est donc important qu’ils aient l’inédit de mes œuvres», a-t-elle noté. Place à sa traduction à la langue de Dante, essentiellement autour de son roman Sakarat Nedjma, paru en 2015 aux éditions Chihab et traduit en italien sous le titre Il bianco e il nero (le blanc et le noir), Amel Bouchareb revient sur la raison du changement du titre. «Nous avons choisi de changer le titre en italien, car il n’est pas toujours facile de traduire les nuances que nous avons dans la langue arabe. Le titre de mon livre Sakarat Nedjma renvoie au livre de Kateb Yacine en Algérie. En revanche en Italie, même si on parle du livre référence du grand Kateb Yacine, Nedjma, il n’évoque rien malheureusement dans l’imaginaire italien, et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de changer le titre pour «le blanc et le noir» où le blanc fait référence à la blancheur de la ville d’Alger et le noir à la magie noire et à la sorcellerie», a-t-elle noté. Pour sa traductrice Jolanda Guardi, le travail sur Sakarat Nedjma a été un exercice à la fois difficile et passionnant. «Amel Bouchareb a un très haut niveau en arabe, qui est déjà riche en vocabulaire avec plus de deux millions de mots. Elle choisit le mot avec beaucoup de précision pour exprimer son idée, et la difficulté réside dans la structure de la phrase. Amel écrit en arabe, certes, mais en lisant son œuvre, il y a au fond le ???? des autres langues qu’elle maîtrise dont l’Italien, le français et l’anglais», a-t-elle relevé. Amel Bouchareb a souligné l’importance de puiser dans la culture populaire qui fait partie du legs anthropologique de l’auteur. «Chaque auteur qui ne s’appuie pas sur sa culture populaire s’éloigne de plus en plus de ses lecteurs. La littérature n’est pas une expression exclusive pour les élites, elle doit savoir exprimer les obsessions et les préoccupations communes», a-t-elle fait remarquer. Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité de créer, au-delà du lien avec le lecteur, une forte connexion entre l’Algérien et n’importe quel citoyen du monde. «La plume poétique crée une certaine sympathie entre le lecteur et l’auteur, tandis que le thriller crée un lien plus fort. J’aime le thriller car il crée un lien unique avec le lecteur. On n’écrit pas un roman pour nous-mêmes ou pour exprimer nos réflexions, l’idée littéraire doit s’adresser à l’ensemble des mortels et le processus narratif doit être basé sur de profondes recherches afin que chaque citoyen du monde puisse s’identifier dans l’histoire. Les humains ont les mêmes intérêts, sentiments, rêves et espoirs», a-t-elle expliqué. Amel Bouchareb a enfin mis en exergue l’aspect «pur et loyal» de la littérature algérienne qui, selon elle, s’est toujours éloignée des idéologies obscurantistes qui titillent les maisons d’édition internationales et les traducteurs.

Kader Bentounes

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