
L’entrée en scène des populations urbaines dans la lutte de libération, a souligné l’apport essentiel d’une grève majoritaire qui a prouvé au monde, le naufrage de la politique dite de «pacification» et a complètement ruiné les mensonges selon lesquels le FLN n’était qu’une bande armée sans base populaire.
Le Comité de coordination et d’exécution (CCE), créé juste après le Congrès de la Soummam, le 20 août 1956, dont la mission consistait à superviser la Révolution dans son intégralité et de veiller à l’application des décisions du Conseil national de la Révolution algérienne, (CNRA), a décidé d’organiser une grève massive de 8 jours, (du 28 janvier au 04 février 1957). L’objectif était de prouver le caractère populaire de la Révolution, que le peuple était totalement acquis au FLN et qu’il était prêt à se mobiliser autour de lui pour arracher l’indépendance. Plusieurs semaines auparavant, le mot d’ordre était lancé au sein de la population. Larbi Ben M’hidi et le C.C.E. avaient publié plusieurs tracts annonçant l’épreuve de force : «Durant les journées de grève, ne circulez pas dans la ville européenne. Ne sortez pas de La Casbah. Evitez tous les rassemblements dans des lieux clos, ils pourraient faciliter des rafles éventuelles. Hébergez dans vos propres maisons les pauvres, les mendiants, les frères sans logis.»
Terreur sur la ville
Guy Mollet, le président du Conseil, avait choisi de faire la guerre au FLN. Vote des pouvoirs spéciaux qui permettent, entre autres, les perquisitions de jour comme de nuit, l'envoi du contingent, les premières exécutions capitales de militants du FLN.
Le 7 janvier 1957, le général Massu rentre dans le vieux palais d'Alger où il a installé son état-major. L'arrêté que vient de lui remettre le préfet Serge Baret, sur ordre du ministre résidant en Algérie, Robert Lacoste, transfère au patron de la sinistre 10e division parachutiste, l'ensemble des pouvoirs. Une sale besogne confiée aux militaires qui vont orchestrer une répression impitoyable contre la population et tous les patriotes.
Ces militaires, rentrés très revanchards de leur «Bérézina» en Indochine et de la piteuse aventure de Suez, étaient impatients de mettre en pratique en Algérie les principes de «la guerre antisubversive». A Alger, on boucle des quartiers, dont La Casbah, isolée du reste du monde, où l’on procède à des rafles et à des enlèvements. Il s’agit d’intimider et surtout d’expérimenter ce que le lieutenant-colonel Roger Trinquier qualifie «d’épuration de la population musulmane». C’est dans ce climat que démarre, le 28 janvier 1957, la grève. Les méthodes employées sont radicales. Paul Aussaresses racontera, dans ses sombres mémoires, comment, alors commandant, il pénètre mitraillette au poing, dans les locaux de la police et rafle les fichiers de l'ensemble des Algériens susceptibles, de près ou de loin, d'aider le FLN. La liste des disparus qu'a réussi à dresser Paul Teitgen, compte plus de 3.000 noms, chiffre que validera Aussaresses : «Oui, cela doit correspondre à peu près à la réalité.» «Teitgen avait en effet découvert qu'on le roulait dans la farine depuis longtemps. Je lui faisais signer des assignations à résidence, ce qui permettait d'enfermer les personnes arrêtées dans des camps. (…) En fait, on exécutait ces détenus, mais Teitgen ne s'en est rendu compte qu'après coup.»
Mobilisation des émigrés
Mohamed Lebdjaoui, premier responsable de la fédération de France du F.L.N. (à la fin de 1956), membre du premier CNRA, s’est rendu en France début janvier 1957 sur décision du CCE. Abbane Ramdane lui a donné instruction de préparer les émigrés algériens à la grève. C’est la première bataille politique décidée par le CCE, menée en Algérie et en France. Les émigrés structurés au sein de la Fédération de France du FLN, vont paralyser l’industrie et toutes les activités économiques françaises.
Un écho retentissant
Lors de sa XIe session, le 15 février 1957, l’ONU déclare que l'Assemblée générale, ayant entendu les déclarations des diverses délégations et discuté la question algérienne, exprime l'espoir d’une solution juste par des moyens appropriés, conformément aux principes de la Charte des Nations unies. Le 17 septembre 1957, l’organisation onusienne met à nouveau l'Algérie à l'ordre du jour de sa XIIe session ; l'Assemblée générale réaffirme, le 11 décembre 1957, la nécessité pour tous les pays (ce qui est un message clair adressé à la France) de faire respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Une phase décisive est ainsi franchie dans le processus d’internationalisation de la révolution par la voix des Nations Unies, qui ont pris acte de la légitimité de notre lutte de libération nationale.
M. Bouraïb