Repère : Le soutien du Roi Idriss

Par Rachid Lourdjane

Avec la Libye, l’Algérie entretient des rapports exceptionnellement discrets et, cependant, de très forte densité. Ce qui désarçonne de nombreux observateurs. Pourquoi ce voile de discrétion en dépit des attachements durables qui se perdent loin dans l’histoire des deux pays. Ce double aspect dans les relations diplomatiques et les liens annexes ne peuvent, sans doute, se comprendre en marge de l’héritage de la guerre de Libération à l’époque où la base logistique Didouche-Mourad en Libye était le cœur palpitant des services secrets de l’ALN, gérés par des personnages du MALG (Ministère des Armements et des Liaisons Générales) dans un culte du secret intransigeant. Ils ont respecté scrupuleusement le sens du devoir de réserve bien après la fin des hostilités et parfois jusqu’à leur dernier souffle. C’est l’exemple du regretté Attar Houari (Tonton Houari) du commandement de cette base, que mes questions agaçaient. J’attendais des réponses. Il me répondait par des silences ou des regards foncés. Comme si la guerre de Libération n’était pas finie. L’ancien officier est sorti de sa réserve avec le souvenir de cette photo représentant des éléments de l’ALN qui prenaient un repos bien mérité dans une plage libyenne. Le titre provocateur de Paris Match ne s’efface pas de sa mémoire : «Ces fellagas qui bronzent à la plage.» Tonton Houari se souvient de l’extrême générosité du roi Idriss qui a mis à la disposition de l’Algérie tout ce qu’il pouvait.
Le roi disait à qui voulait l’entendre qu’il était algérien de cœur et de sang. Lors de sa première visite officielle en Algérie, M. Attar Houari lui servira de guide royal dans sa propre DS 19 noire. Il se souvient aussi de la base Willis du dispositif militaire américain de la région. En évoquant le nom de cette base, l’ancien membre du commandement du MALG donnait l’impression de dévoiler un lourd secret. Durant la guerre, la Libye était pour nous la porte d’entrée vers l’Égypte et tout l’Orient.
Le transit des armes et munitions qui alimentaient les maquis. C’était un pays d’accueil pour de nombreuses familles de réfugiés algériens et pour des enfants qui avaient perdu leurs parents dans la traversée de la ligne Morice-Challe. Un pays sous haute surveillance par les services du SDECE et les tueurs de la Main Rouge qui sont passés à l’acte plus d’une fois contre des diplomates et hommes politiques algériens. Et pour cause,entre la Libye et l’Algérie, c’est un attachement de solidarité puissante pour la Révolution et en conséquence un partage d’épisodes héroïques dans la confrontation directe avec l’armée coloniale qui en est venue, comme à Sakiet Sidi Youcef, en Tunisie, à attaquer des villages.
Ce fut aussi la bataille d’Issine (3-5 octobre 1957), considérée historiquement comme une étape importante dans la consolidation dans le sang et les larmes des valeurs de solidarité et d’entraide entre les peuples algérien et libyen.
Cette bataille, qui a eu lieu à la frontière algéro-libyenne, a montré à tous le degré de cohésion des peuples algérien et libyen dans leur lutte contre la France coloniale et son armée, dans une épopée où s’est mêlé le sang des deux peuples frères, se soldant par la victoire de l’Armée de libération nationale, avait souligné M. Rebika, ministre des Moudjahidine, à l’occasion de la commémoration du 65e anniversaire de la bataille d’Issine.

R. L.

Sur le même thème

Multimedia