
Farida Larbi
Hasard du calendrier ou volonté divine qui a voulu en faire le mois des chouhada, Novembre a vu le sacrifice de dirigeants politiques et moudjahidine parmi les plus illustres de la Révolution, de 1954 à 1962. Les historiens, moudjahidine et chercheurs, invités hier du forum de la mémoire consacré aux martyrs tombés en ce mois sacré, ont retracé le parcours glorieux, l’irréprochabilité, l’ exemplarité, la sagesse et, surtout, la vénération de tous ces chouhada pour le projet d’une Algérie indépendante. L’Histoire retiendra, pêle-mêle, les noms des martyrs, tels Abdelmalek Ramdane, Badji Mokhtar, la chahida Chaïb Dzair, Grine Belkacem et Zdour Ibrahim, premier martyr parmi les étudiants algériens. Les martyrs de cette période sont tombés sur le champ de bataille, mais aussi dans les prisons, sous les tortures, ou lors des bombardements meurtriers de l’aviation coloniale.
L’hommage rendu hier au forum de la mémoire n’est pas seulement une simple commémoration, mais un rappel de l’héritage de lutte et de dignité que ces martyrs nous ont laissé. L’Algérie, aujourd’hui indépendante, doit son existence à ces sacrifices. La mémoire de ces martyrs doit être préservée, non seulement pour honorer leur courage, mais aussi pour transmettre aux générations futures la valeur de la liberté et de la souveraineté. Leur sacrifice reste un phare qui guide le peuple algérien vers un avenir de paix, de progrès et de dignité. «Ceux qui ont perdu la vie lors de ces premiers combats ont fait partie de cette génération de résistants anonymes, des jeunes idéalistes, des paysans, des ouvriers, mais aussi des intellectuels, qui ont répondu à l’appel du FLN. Par leur courage, ces chouhada ont lancé un message puissant : celui d’une révolte irréversible contre l’oppresseur, un message qui allait galvaniser tout un peuple dans sa quête de liberté», a indiqué l’historien Zeghidi. «La mise en place d’un relais entre la génération de Novembre et celle d’aujourd’hui devient une nécessité pour préserver la mémoire historique et garantir que les idéaux, qui ont motivé la lutte pour la liberté, restent vivants dans le cœur des jeunes Algériens».
La transmission de la mémoire, une nécessité
L’une des étapes cruciales dans le relais entre ces deux générations réside dans la transmission de la mémoire collective. Il ne s’agit pas seulement de se souvenir des événements, mais de comprendre leur signification profonde, les sacrifices consentis et les valeurs qui en découlent. Les jeunes d’aujourd’hui, souvent éloignés des réalités de la guerre de Libération, doivent pouvoir saisir l’importance de cet héritage. Il est essentiel que les récits des anciens combattants, les témoignages des familles des chouhada et les archives historiques soient rendus accessibles à la nouvelle génération. Les jeunes doivent être amenés à comprendre que la liberté qu’ils expérimentent aujourd'hui a été acquise au prix de sacrifices colossaux. Le rôle des associations, des historiens, des écrivains et des réalisateurs est central dans ce processus de transmission. La création d’espaces de réflexion et de dialogue, où les générations peuvent se rencontrer et échanger, est également un moyen d’entretenir cette mémoire vivante.
Les générations successives de la guerre de Libération ont été porteuses de valeurs communes qui transcendent les époques. Ces principes restent d’actualité aujourd’hui, à une époque où l’Algérie, après plus de 60 ans d’indépendance, doit faire face à de nouveaux défis internes et externes. La génération d’aujourd’hui est confrontée à des enjeux socio-économiques et politiques complexes, mais elle doit aussi être en mesure de réinventer ces idéaux à travers les réalités contemporaines. Même si elle n’a pas connu la guerre, elle doit devenir le relais de ces valeurs en les adaptant à son époque. La jeunesse algérienne doit, non seulement préserver la mémoire du sacrifice des chouhada, mais aussi se positionner en tant qu’actrice du changement et de la construction d’un avenir meilleur. Il ne suffit pas de recevoir un héritage ; il est nécessaire de le réinterpréter et de l’inscrire dans une dynamique de progrès.
F. L.