
Tizi Ouzou
Des raisons économiques et géostratégiques
Enseignant d’économie à l’université Mouloud-Mammeri, le docteur Mohamed Achir explique les propos d’Emmanuel Macron contre notre pays par les coups durs que ne cesse de subir l’économie française, suite à «la décision de l’Algérie de réduire considérablement ses importations de biens et services».
La France, en sa qualité de deuxième fournisseur de l’Algérie après la Chine, est affectée. De grands projets d’infrastructures, d’exploitation des mines, le nouveau port… sont confiés aux entreprises chinoises. Je pense que c’est le volet économique qui dérange les Français sachant que de nombreux contrats ne seront pas reconduits».
L’intervenant estime également qu’il ne faut pas, bien entendu, exclure le volet géostratégique, notamment la gestion des conflits régionaux avec la Libye, le Mali, le Niger ou le Sahel d’une manière générale à laquelle l’Algérie accorde un intérêt particulier croissant. De son côté, la militante associative Djouher Hachemi voit dans les déclarations de Macron «une grave et impardonnable atteinte à la mémoire des martyrs, de nos valeurs ancestrales et de notre histoire millénaire».
Ces propos visent à créer un climat de suspicion et de tension pour saborder les efforts colossaux du président de la République pour construire la nouvelle Algérie, la France ne voyant pas d’un bon œil la détermination de notre gouvernement à protéger l’économie nationale et à lutter sérieusement contre la fuite de capitaux à travers des transactions douteuses avec les entreprises et sociétés étrangères, principalement françaises.
Eu égard à ces attaques sournoises et maladroites du Président français, la militante estime que c’est le moment pour l’ensemble du peuple algérien de resserrer les rangs et de se constituer en rempart infranchissable contre toute attaque malveillante qui viserait notre pays. L’Association des enfants de moudjahidine de la wilaya de Tizi-Ouzou a, pour sa part, dénoncé avec vigueur les propos du Président français, les qualifiant de «maladroits et indignes» d’un président d’une république qui se dit le pays des droits et des libertés.
Bel. Adrar
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Béjaïa
Une démarche électoraliste
Le moudjahid Mohand Arezki, qui porte encore les séquelles de la guerre, dira que «la France n’a jamais accepté l’indépendance, car elle a exploité, durant les années de la colonisation, toutes les richesses de notre pays. Le président Macron a parlé à des jeunes Algériens dont certains ont des parents martyrs et moudjahidine. Nous lui disons que l’Algérie est indépendante et souveraine, c’est un pays qui a connu une mutation profonde dans le développement. Toutes les ingérences dans les affaires de notre nation sont condamnées et rejetées».
Achour Smail, professeur d’histoire à l’université de Béjaïa, apporte d’autres précisions en soulignant que «le Président français, qui jusqu’à présent n’a pas pu convaincre les Français et gagner leur confiance, veut gagner l’estime de ses compatriotes à la veille de nouvelles élections en instaurant une réduction de moitié dans la délivrance des visas aux pays maghrébins, dont l’Algérie, prétextant que ces pays ne collaborent pas pour reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière sur le sol français. Le problème de l’émigration a toujours existé et aucun président français n’a fait ce chantage. Le rappel de l’ambassadeur pour consultations est une procédure diplomatique. Mais le président Macron en précampagne s’est lancé dans l’exagération par des critiques acerbes vis-à-vis des dirigeants algériens mais également en doutant de l’existence de la nation algérienne avant la colonisation française. Je lui réponds oui il y avait une nation qui, bien qu’exploitée par vos colons, a arraché son indépendance au prix du sacrifice de nos glorieux martyrs.
L’Algérie a arraché son indépendance et l’histoire a été écrite par des historiens algériens, une histoire non falsifiée qui a relaté les faits mais aussi des vérités et témoignages de moudjahidine qui avaient un niveau intellectuel valable, comme les ouvrages du moudjahid Attoumi, Mais l’Algérie n’a pas de haine et poursuit son développement par la force de sa jeunesse qui a repris le flambeau de ses aînés».
M. Laouer
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Bordj Bou-Arréridj
Un cours d’histoire s’impose
Bordj Bou Arréridj, qui s’est soulevée contre le colonialisme français, comme le prouve la résistance farouche de Mokrani en 1871, ne pouvait accepter que le Président français s’arroge le droit de toucher aux valeurs nationales, dont l’histoire est écrite en lettres de sang.
Pour Mohamed, fils de chahid qui pleure jusqu’à maintenant la perte de son père, cette sortie du chef de l’Etat français est une énième manœuvre de la classe politique de ce pays qui n’a pas oublié novembre 54.
«Si les Algériens avaient accepté le colonialisme, pourquoi alors se sont-ils soulevés? Du moment que les Français se sentaient chez eux en Algérie, qu’ils essaient de revenir et ils auront en face 40 millions d’Algériens déterminés.»
Pour Abdellah, universitaire, cette déclaration cache mal une tentative du Président français sortant de récupérer les voix de l’électorat d’extrême droite de son pays. Il s’aligne, a-t-il noté, sur les positions du front national en honorant les harkis et en s’attaquant à l’histoire de l’Algérie.
Il est possible qu’il réclame des restrictions pour les émigrés comme le fait Eric Zemmour, cet autre candidat présumé qui est sioniste, juge notre interlocuteur au fait de ce qui se passe dans ce pays. Cet universitaire évoque comme preuve de ce qu’il avance le calendrier de la déclaration du Président français qui a attendu la fin de son mandat pour le faire.
Mais il oublie que s’il est réélu, il aura affaire aux Algériens, invitant le Président à relire ses manuels d’histoire.
C’est ce sentiment d’incompréhension d’abord, et de colère ensuite, qui est développé par tous ceux que nous avons interrogés sur cette question. Ou a-t-il appris cela ? dira Hamid. Tous les livres d’histoire, pas seulement en Algérie mais dans le monde entier, parlent de la glorieuse révolution de novembre a indiqué l’enseignant.
Ces livres évoquent également les affres du colonialisme. Ils devraient avoir honte pour les crimes commis, note Hamid qui juge que le Président français devrait s’excuser au lieu de dire des inepties.
Notre interlocuteur rappelle que Macron a la mémoire courte. Non seulement il a oublié ses cours d’histoire mais il ne se souvient plus de ses propres déclarations puisqu’il a fustigé lui-même le colonialisme, note l’enseignant qui n’a pas oublié tout ce qui concerne les rapports algéro-français.
Les colonisateurs n’ont effectué aucune œuvre bienfaitrice, ils n’ont apporté que destruction, spoliant, tuant et affamant des millions d’Algériens. Plus de 5 millions d’entre eux sont morts. Cela aucune déclaration ne peut le nier.
F. Daoud
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SIDI BEL-ABBèS
L’amnésie française
«C’est de l’amnésie tout simplement, du moins, c’est ce que j’ai retenu des récentes déclarations du Président français sur l’Algérie aujourd’hui libre et indépendante, unie et solidaire pour mener à bien et en toute souveraineté surtout son propre développement. Les 132 ans d’occupation semblent a priori insuffisants pour la classe politique française et ses dirigeants incapables encore de comprendre l’état d’esprit des Algériens. Des Algériens qui peuvent s’entredéchirer et s’opposer continuellement dans les choix de gouvernance mais se rejoignent et s’accordent spontanément lorsqu’il s’agit de l’intégrité territoriale et de la défense des frontières du pays. Par intégrité, il faut entendre également la persévérance de toutes les institutions de la République. De surcroît, s’agissant d’une institution militaire héritière de l’Armée de libération nationale et issue du peuple pour être exclusivement à son service. Que M. Macron sache que cette Armée demeure une référence de par son engagement et son esprit de sacrifice. Elle mérite toute la reconnaissance et la gratitude du peuple. La nation algérienne a prouvé son existence dans sa lutte de libération pour tenir tête à la cinquième puissance du monde. Et c’est grâce à l’attachement à ses racines et à son authenticité qu’elle a pu chasser cet occupant pour aujourd’hui jouir de sa souveraineté. Et ce ne sont guère les jeux et enjeux de la campagne électorale avant terme pour la présidentielle en France qui vont secouer les fondements de cette Algérie fière de son histoire et de sa résistance.
A. B.
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Sétif
Notre histoire est une ligne rouge
A Sétif, cité du 8 mai 1945 où des massacres d’une rare atrocité ont été perpétrés contre une population innocente sortie pour revendiquer pacifiquement le droit à la liberté, sacrifiant plus de 45.000 de ses enfants, les dernières déclarations du Président français ont suscité une vive réprobation des citoyens.
«Nous nous élevons énergiquement et condamnons avec force de tels propos et cette atteinte inacceptable à la mémoire de nos glorieux martyrs. Une fois encore, la France a brillé par son amnésie et oublié les crimes odieux commis en Algérie. Emanuel Macron est le président de la France, alors qu’il s’occupe de son pays, de ses Gilets jaunes. La France n’est pas la tutelle du peuple algérien. Ce même président semble oublier que notre fierté, l’Armée nationale populaire est la digne héritière de l’ALN et qu’elle est issue du peuple. Alors allez chercher ailleurs M. Macron et n’oubliez surtout pas que nous sommes un grand peuple et nous avons écrit notre histoire avec le sang de nos chouhada»,, relève avec force Abdenacer. Salim, un jeune universitaire imprégné des valeurs et des sacrifices de son peuple, abonde dans le même sens : «Nous dénonçons ces déclarations acerbes qui viennent de surcroît d’une institution officielle et sèment le doute, sinon tentent d’occulter les graves dérives de la France en Algérie. Des déclarations d’autant plus graves qu’elles interviennent à la veille de la commémoration des massacres du 17 octobre. Sachez M. Macron que personne ne doute de l’histoire de l’Algérie qui date de la nuit des temps. L’histoire de notre nation est une ligne rouge.»
F. Zoghbi