Mohamed Chorfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections : «Assurer l’intégrité des élections et la protection du citoyen, des enjeux majeurs»
Ph. T. Rouabah
L’ANIE appelle à la mobilisation contre les effets négatifs des réseaux sociaux dans les campagnes électorales
Le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Chorfi, a plaidé hier pour la coordination entre les différentes institutions et la coordination des efforts, «pour assurer l’intégrité des élections et la protection, ainsi que l’immunisation du citoyen algérien, et lui permettre d’accomplir son devoir électoral convenablement en toute liberté».
M. Chorfi s’exprimait à Alger dans une allocution à l’ouverture des travaux des deux journées d’étude organisées par l’ANIE, sous le thème «Les enjeux des processus électoraux démocratiques». En s’adressant à l’assistance, il a souligné que «la présence des représentants de différents ministères et institutions constitutionnelles à cet événement constitue un grand acquis pour l’ANIE, ce qui traduit la volonté de l’État à poursuivre la construction démocratique», soutient-il.
Plaidoyer pour la conjugaison des efforts
Il a rappelé les étapes phares du déroulement des élections en Algérie, dont la création de l’ANIE le 15 septembre 2019 par une loi organique, la convocation du corps électoral par décret présidentiel le 16 septembre de la même année, en prévision de l’élection présidentielle. «C’est comme un rêve, car les choses ont été déracinées du Hirak sans pré-alerte ni préparation. Des lois ont été élaborées en un temps record et je suis fier que l’ANIE soit issue de l’émanation du peuple», se félicite-t-il. M. Chorfi a rappelé, dans ce sillage, la gravité de la situation pré-Hirak, notamment avec l’absence de l’État. Évoquant le thème des journées d’étude, il a précisé que les enjeux ne se limitent pas à l’organisation démocratique, mais les nouveaux facteurs introduits dans les processus électoraux.
Il a cité, en ce sens, «les publications sur les réseaux sociaux et leur impact sur la liberté du choix du peuple selon les capacités de maîtrise de ces réseaux», relève-t-il. Le président de l’ANIE a mis l’accent sur la nécessité d’immuniser le choix du peuple. «Les sociétés doivent faire face aux impacts négatifs, lors des campagnes électorales, et assurer leur intégrité», insiste-t-il. Il a mis en garde contre l’influence de l’espace cybernétique. «Le citoyen ne devient plus le maître de son choix», fait-il remarquer. C’est pourquoi, les quatre ateliers organisés durant ces deux journées vont se pencher sur des questions pertinentes, dont la protection juridique des systèmes d’information dans le domaine des élections et les garanties juridiques pour la protection des données personnelles des électeurs et candidats.
Dénaturaliser le processus électoral pour attenter à la sécurité nationale
Une autre menace. Pour le président de l’ANIE «le processus électoral n’est plus juste une opération conjoncturelle et une occasion pour faire un choix électoral, mais elle est devenue un moyen pour attenter à la stabilité des pays», soulignant que «les grandes alliances visent, à travers la dénaturalisation des processus électoraux, une atteinte dangereuse à la sécurité nationale». Ainsi, il a appelé à la conjugaison des efforts, afin d’assurer l’intégrité des élections, «par l’immunisation du citoyen algérien et lui permettre d’accomplir son devoir électoral en toute liberté». M. Chorfi a indiqué que l’ANIE œuvre à renforcer la coordination pour l’immunisation de la nouvelle génération des effets négatifs, à travers la signature de conventions avec les ministères de l’Enseignement supérieur et des Affaires religieuses, le Conseil supérieur de la Jeunesse et l’Observatoire national de la société civile.
Ont assisté à cette première journée d’étude, le président de l'Autorité nationale de protection des données à caractère personnel, Lotfi Boudjemma, la présidente de la Haute Autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, Salima Mesrati, le président de l'Observatoire national de la société civile Noureddine Benbraham, le président du Conseil supérieur de la jeunesse (CSJ), Mustapha Hidaoui, des membres de la Cour constitutionnelle et de la Cour des comptes, des experts et enseignants universitaires.
Fatiha Abbou : «La garantie des droits fondamentaux des citoyens incarnée en Algérie»
La création de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) vise la restauration de la confiance du peuple en ses institutions. «L’État était menacé d’effondrement, et il fallait agir. Des milliers de gens sont sortis dans les rues en 2019, suite à une rupture entre le peuple et les dirigeants», a affirmé Fatiha Abbou, membre de la Cour constitutionnelle, dans son intervention intitulée «Approfondir la démocratie constitutionnelle, l’une des missions principale de l’ANIE». Elle a indiqué qu’elle était l’initiatrice de la création de l’ANIE, afin de relancer le processus démocratique. «La mission de cette autorité était de garantir des élections transparentes et de redonner confiance au peuple», précise-t-elle. La constitutionnaliste a affirmé, dans son exposé, que la démocratie constitutionnelle «est une mission assignée à la justice constitutionnelle». Le respect de la Constitution, la garantie des droits fondamentaux des citoyens sont assurés par l’instauration d’une justice constitutionnelle placée au sommet de l’ordre juridictionnel, détaille-t-elle, tout en précisant qu’«elle est incarnée en Algérie par la Cour constitutionnelle». M. Abbou s’est interrogée : Qui en droit est le peuple ? Les citoyens ? Les électeurs, les simples habitants d’un pays, fussent-ils dépourvus de la nationalité algérienne, voire les manifestants du Hirak dans la rue ? Et de répondre : «De manière générale, l’idée galvaudée est le corps électoral, le peuple et le Hirak ne font qu’un !» La spécialiste a tenu à clarifier trois points, le premier va mettre en évidence l’ambiguïté de la notion du peuple, le deuxième s’attache à éclaircir les moyens d’exercice de la démocratie et le troisième va tenter de mettre en relief l’évolution qui a permis le passage de la démocratie électorale à la démocratie constitutionnelle.
Salima Mesratia : «L’ANIE est appelée à adopter «nazaha», l’outil anti-corruption»
La présidente de la Haute Autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, Salima Mesratia, mis en avant l’importance de ces journées d’étude qui viennent à la veille de l’élection présidentielle de 2024. Elle a soutenu, dans son intervention intitulée «La transparence, axe principal pour assurer la crédibilité des opérations électorales démocratiques durant le XXIe siècle», que «la Constitution de 2020 a instauré la moralisation de la vie publique». Elle a assuré que la neutralité de l’Administration est assurée par la loi, à travers la Charte d’éthique des pratiques électorales élaborée par l’ANIE et la formation des présidents des bureaux de vote. De même, l’absence des conflits d’intérêt est une forme de transparence qui met l’opération électorale à l’abri de la corruption, assure-t-elle. La présidente a cité également l’adoption par l’ANIE d’un mécanisme de contrôle interne et externe, et le recours administratif et judiciaire, appelant à la simplification des procédures et à la réduction des délais d’examen des recours pour plus d’efficacité. «Il faut réactiver le mécanisme interne de contrôle, car on a constaté des insuffisances dans le traitement des failles dans les bureaux de vote», relève-t-elle. Mme Mesrati a mis l’accent également sur la nécessité de la numérisation qui est un rempart contre la corruption, félicitant l’ANIE pour les grands pas réalisés en la matière. Enfin, la présidente de cette autorité a appelé l’ANIE à adopter «l’indice d’efficacité» (Nazaha), un outil pour l’évaluation des efforts de la lutte contre la corruption dans le secteur public. «Nous avons saisi plusieurs entreprises qui ont répondu favorablement et ont fait preuve de coopération», indique-t-elle, exprimant sa volonté d’accompagner l’ANIE.
Lotfi Boudjemaâ : «Lancement de plusieurs formulaires en ligne à partir du mois d’août»
Le président de l'Autorité nationale de protection des données à caractère personnel, Lotfi Boudjemaâ, a annoncé que dans le cadre de l’application de la loi N°18-07 prévue à compter du mois d’août de l’année en cours, l’autorité mettra en ligne, sur son site web de l’ANPDP, plusieurs formulaires conformes à la loi. Il a cité, entre autres, les formulaires de déclaration des traitements. «Toute personne physique ou morale traitant les données à caractère personnel doit transmettre à l’ANPDP une déclaration préalable». Il s’agit, entre autres, du formulaire de désignation du responsable du traitement ou de son remplaçant habilité, qui soit domicilié en Algérie ou à l’étranger : pour la collecte des informations du responsable du traitement, son remplaçant et son ou ses sous-traitants. Dans son intervention intitulée «Les garanties juridiques pour la protection des données personnelles des électeurs et candidats», le responsable a expliqué que le formulaire de demande d’autorisation de transfert des données personnelles à l’étranger vise à vérifier cette possibilité et les conditions du transfert. L’ANPDP va également lancer un registre national en ligne. De son côté, Djoudi Kamel Belloul, magistrat à la Cour des comptes, a précisé, dans son intervention, que la Cour des comptes exerce «un contrôle juridique sur l’ANIE, à travers le contrôle ultérieur des comptes». Quatre ateliers ont été mis en place, pour débattre les questions de la transparence : le financement des processus électoraux démocratiques, la démocratie constitutionnelle et la protection juridique des systèmes d’information. Les travaux seront sanctionnés aujourd’hui par des recommandations.
Le général d'Armée Saïd Chanegriha, ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), appelle à une vigilance accrue, pour contrer les campagnes de désinformation, de manipulation et de propagande qui ciblent l’Algérie.