
Le procès du meurtre de Djamel Bensmaïl est entré dans sa dernière étape, à savoir la délibération. En effet, le dernier avocat de l’accusée Nabila Merouane, Me Amine Sidhoum, a clôturé la phase des plaidoiries dans le procès qui se tient au tribunal criminel de Dar El-Beida.
Le président de l’audience, le juge Ali Haichour, s’est retiré avec ses deux conseillers et les membres du jury pour délibérer, déclarant que le barreau sera informé sur la date du prononcé du verdict.
Le procès a duré six jours, marqué par les auditions de 94 accusés poursuivis dans cette affaire, dont sept placés sous contrôle judiciaire et les autres en détention provisoire, dont des femmes.
Un procès dans le calme
Aucun incident d’audience n’a été signalé. Un dispositif sécuritaire impressionnant a été placé à l’entrée du tribunal et à l’intérieur de la salle d’audience, où des éléments de la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention) et de la BRB (Brigade de Répression du Banditisme) de la police judiciaire ont été fortement déployés.
Le président de l’audience a laissé aux accusés toute la latitude de se défendre contre les charges retenues, dont l’homicide volontaire, mutilation, adhésion à l’organisation terroriste « MAK » et incitation à la haine, atteinte à l’unité nationale. Le magistrat a également maîtrisé la situation souvent électrique entre les avocats de la partie civile, et ceux des accusés.
Mais il n’en demeure pas moins qu’il a posé des questions qui les ont mis dans l’embarras, notamment sur leur présence sur la scène du crime. «Vous ne dites pas la vérité», a-t-il lance-t-il à des accusés. Le juge a également interrogé les accusés ayant commis le crime et d’autres qui ont pris des selfies avec un corps carbonisé : «Avez-vous la conscience tranquille ?» demande-t-il, à l’issue de l’audition.
Le président de l’audience suivait de près les réactions des accusés, dans la salle, lors de la projection des séquences vidéo sur toutes les étapes du meurtre de la victime. Il a ordonné à la greffière de rediffuser les scènes les plus choquantes et d’augmenter le son, notamment les appels au meurtre, la mutilation et la décapitation de la victime, et les slogans scandés.
Les accusés, notamment ceux identifiés sur les vidéos, ont déclaré avoir voulu aider la victime Djamel Bensmaïl à l’intérieur du fourgon de police, alors que d’autres ont justifié leur crime par la vengeance et la colère, et aussi par leur état d’ivresse.
Piégés par les vidéos, les SMS et le transfert d’argent de l’étranger
Des membres du «MAK», piégés par des SMS et des transferts de sommes importantes de l’étranger vers leurs comptes, ont déclaré avoir démissionné de l’organisation terroriste bien avant le crime odieux.
De même, le Procureur général a confronté les accusés à leurs déclarations aux enquêteurs de la police. Les accusés ont tenu en majorité à rejeter les procès-verbaux des auditions des services de police. «Nous avons signé sous la menace. Nous n’avons rien déclaré», ont-ils répondu, quelque peu déstabilisés. Ils sont d’emblée épinglés par le PG qui a relevé que «les accusés à la barre confirment leurs déclarations à la police judiciaire. Ils tentent vainement de démentir aussi leurs déclarations au juge d’instruction, alors qu’ils étaient auditionnés en présence de leurs avocats».
Les questions pertinentes du Parquet ont poussé les accusés à reconnaître le lien entre eux, alors que la majorité des accusés qui habitent le même village ont déclaré ne pas se connaître.
Aussi, le collectif de défense de la famille de la victime constituée partie civile a procédé à un travail d’investigation, notamment sur les vidéos et les scènes qui ont constitué des indices. «Heureusement que vous vous êtes filmés, sinon on aurait accusé l’État de cet horrible acte», lance Me Bentorkia.
L’effet de foule…
Pour sa part, la défense des accusés a évoqué dans ses plaidoiries «l’effet de foule» pour justifier l’acharnement sur la victime et a plaidé l’acquittement de ses mandants. «L’individu dans pareil mouvement de foule se transforme en monstre capable d’un comportement déraisonnable», dit-il. L’utilisation de la force par les services de police a été évoquée dans les plaidoiries de la défense des accusés. Les policiers témoins ont affirmé que «les policiers qui tentaient de retenir la victime ont reçu l’ordre de ne pas tirer de coups de sommation devant une foule nombreuse. La situation pouvait facilement dégénérer». Le procès a démontré également l’efficacité du travail mené par la police scientifique et technique ayant permis de récupérer les discussions et les vidéos, ainsi que les messages supprimés par les accusés suite à la désactivation de leurs comptes sur les réseaux sociaux.
Neila Benrahal