
Dehamcha est en deuil, mais l’espoir ne tarde pas à retrouver place et à faire que la vie reprenne son cours au fil des jours, aidée par ce puissant élan de la solidarité.
Le jour de notre visite, l’Assemblée populaire communale s’apprêtait à siéger pour décider de l’aide à apporter à la famille des deux victimes, Bourezg Abdelghani et son frère Abdelhafid, âgés de 42 et 44 ans et qui ont péri dans ce terrible incendie de Chaâbet El-Guitoun, laissant 6 orphelins. Située dans la daïra d’Aïn El-Kebira, Dehamcha vit avec des ressources plutôt rares compensées par les subventions de l’État. Dehamcha, commune montagneuse de 28 mechtas où de nombreux citoyens pratiquent l’agriculture, l’arboriculture et l’élevage, n’a pas été épargnée par le feu. Ici, la description est précise : un enfer ! Moussa, un miraculé, nous parle, et ses yeux ne cessent de scruter ces montagnes calcinées comme s’il n’arrivait toujours pas à croire que l’incendie fait désormais partie du passé. Il nous parle et ne se cache même pas pour pleurer. Certaines larmes, certaines tristesses ont l’immensité du ciel qu’elles implorent. Abdelhafid et Abdelghani, deux cousins, encerclés par les flammes. Martyrs. «Nous parlions des incendies qui se sont déclarés à Tizi Ouzou, quand tout d’un coup nous vîmes des fumées sur les sommets de la montagne de Melgchaab. J’ai accouru avec l’espoir d’éteindre ce feu avant qu’il ne se propage vers le douar Rouabah et atteigne les maisons. Du coup, j’ai aperçu Guendouz Abdelhafid et Abdelghani surgir de leur voiture après avoir emprunté la piste et tenté d’éteindre le feu, rejoints par une quatrième personne. En un laps de temps, un vent d’une force rare accompagné d’un bruit assourdissant permit au feu de se propager dans tous les sens avec des flammes de près de 10 mètres», dit-il. Il se tait brusquement. La gorge nouée.
Nous nous éloignons. Certaines douleurs imposent la discrétion. Notre interlocuteur perd son souffle, demande à boire et revient à nous, entouré de Tayeb, Nadjid et Saïd qui nous montrent cette piste étroite empruntée dans des conditions extrêmement difficiles par un camion de la Protection civile et des éléments de l’ANP, de la Gendarmerie nationale et des dizaines de citoyens affluant de toutes les localités pour mettre fin à ce sinistre que Moussa continue à décrire : «Je n’ai jamais vu de flammes aussi fortes et ravageuses. Il fallait fuir et le plus vite possible. Je suis donc descendu alors qu’Abdelhafid et Abdelghani sont remontés. Je pensais qu’ils allaient vers leurs voitures…
En descendant, j’avais l’impression que le feu me tirait encore vers le haut, que je brûlais et j’étouffais. Je courais vite avec une sensation de faire du surplace, je manquais terriblement d’oxygène avant de me mouiller le visage et de prendre un peu d’eau. Un déluge de feu, l’apocalypse.» Abdelwahab, la quatrième personne du groupe, appelle, quelques instants plus tard, Moussa, mais Abdelhafid et Abdelghani ne répondent pas. Un drame venait de se produire. En tentant d’éteindre le feu et de sauver leurs ruches, les deux frères sont très vite encerclés. Dehamcha est en deuil, mais l’espoir ne tarde pas à retrouver place et à faire que la vie reprenne son cours au fil des jours, aidée par ce puissant élan de la solidarité. «Merci à tout le peuple algérien, nous replanterons tous ces espaces.
Notre souhait est de voir les victimes bénéficier d’une aide de l’État, surtout des arbres fruitiers et autres arbustes pour fixer la terre», conclut Moussa appuyé par Tayeb, Saïd et Nadjib qui écoulait ses dernières figues de barbarie au pied de la montagne de Chaâbet El- Guitoun. La présentation des condoléances au domicile des deux victimes nous permet de rencontrer, à Aïn Rbie, le grand frère Tayeb, les yeux noyés de larmes, mais fort de «ce formidable élan de solidarité qui a entouré la famille de tous les coins du pays. Je reçois des appels téléphoniques de partout, cela nous réchauffe le cœur face à cette terrible épreuve».
F. Zoghbi