
Il y avait grand monde, hier, à la cérémonie de célébration du 60e anniversaire du quotidien El Moudjahid. Du beau monde aussi. Des personnalités venues de divers horizons, des patrons de la presse publique et privée, des responsables d’institutions de l’Etat, des journalistes de renom, de même que des dizaines d’anciens travailleurs qui ont fait leur carrière au sein du journal et qui ont côtoyé ceux de la nouvelle génération.
Une génération constituée de jeunes aussi intrépides qu’ambitieux qui ont ouvert grand les yeux devant ce parterre de vénérables personnes qui ont façonné le journal durant soixante longues années, transmettant, chacun, son savoir-faire et son expérience à ceux qui leur ont succédé, dans un enchaînement aussi naturel que régulier. Bien sûr, rendre hommage à ces milliers de mains qui ont œuvré sans cesse pour élaborer des millions de pages, décennie après décennie, est un acte de reconnaissance fort louable, mais néanmoins assez ardu, du fait que malheureusement, au cours des années, nous en avons perdu beaucoup en route, d’autres sont partis sous d’autres cieux, à l’instar de Mohamed Saidani et de Zoubir Zemzoum, tandis que d’autres encore souffrent des nombreux aléas de la vie, tels que l’inénarrable reporter photographe Abdelkader Yacef, actuellement hospitalisé, Abderrahmane Naceri, chef du département linotypie, souffrant d’une longue maladie, ou la première femme photographe, Louisa Djedaidia elle aussi, présentement souffrante. De même l’ombre d’anciens PDG qui ont fortement marqué de leur empreinte le destin de notre journal a plané sur le déroulé de la cérémonie, à l’image des regrettés Noureddine Naït Mazi qui occupa ce poste dix sept années durant, Abdelmadjid Cherbal, quatorze ans, Rachid Maouche, anciennement secrétaire général du syndicat qui s’est échiné à défendre les travailleurs, et l’incontournable Mohamed Abderrahmani, longtemps directeur de la rédaction avant de présider aux destinées du journal. Il fut malheureusement assassiné en 1995 dans un attentat terroriste. Ses filles, présentes hier à la cérémonie, l’ont pleuré encore une fois, lors de l’hommage qui lui a été rendu, avouant qu’elles n’ont jamais pu oublier un père aimant, mais qui était toujours absent, du fait de ses responsabilités à El Moudjahid. De même Mohamed Morsli, ancien commandant de l’ALN, a lui aussi été un dirigeant du journal. Plus tard, son fils a rejoint la direction d’El Moudjahid et exercé en tant que chef des rubriques culturelle et internationale. Malheureusement, les deux décéderont à quelques années d’intervalle. Feu Abdellaâli Ferrah, autre DG, à qui on a rendu hommage au cours de la cérémonie, a été représenté par son frère Abdelhak qui, lui, a occupé longtemps le poste de secrétaire de rédaction au sein de journal. Pour sa part, Naâma Abbas, seule femme sur quinze DG à avoir occupé ce poste quatre années durant, et qui a été d’un apport indéniable pour moderniser le journal et ses structures, n’a pas pu assister à la cérémonie, celle-ci étant retenue par des obligations personnelles. Enfin, un hommage particulier a été rendu à plusieurs linotypistes qui travaillaient à l’imprimerie au plomb. Une tâche ardue puisqu’il s’agissait d’intervenir sur des machines à produire des caractères d’imprimerie en relief, et qui s’emplissaient de métal (85 % de plomb), ce qui permettait d’obtenir ensuite des plaques de plomb (30 kilos chacune). Néanmoins, du fait que l’ingestion ou l’inhalation (vapeurs ou poussières fines) de plomb est toxique, et que celle-ci provoque des troubles réversibles ou irréversibles (atteinte du système nerveux, encéphalopathie et neuropathie), il fallait ingurgiter quotidiennement des litres de lait. Aussi, après leur départ en retraite, plusieurs sont décédés malheureusement, tandis que les autres sont, pour la plupart, venus hier. Ceux qui sont prématurément décédés ont eu droit à une pensée particulière. C’est le cas notamment du grand reporter de guerre, Mouloud Benmohamed, de l’ancien directeur de la rédaction, Mouloud Achour, des spécialistes de la presse sportive, Mokhtar Chergui, Hamid Gherbi, Mahmoud Boussousa, Mohamed Baghdadi, Rachid Semmad, Bachir Rezzoug... Et la liste est longue. A eux tous, nous disons : Nous ne les oublions pas !
A. Z.
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Nadia Kerraz, DG du quotidien Horizons : «Le père de tous les titres»
«Je pense que célébrer le 60e anniversaire du quotidien est une très belle initiative, dans la mesure où elle permet de véritables retrouvailles entre générations. Elle réunit toutes celles et ceux qui, à un moment donné de leur parcours professionnel, ont contribué – à quelque niveau que ce soit – à faire d’El Moudjahid ce qu’il est aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que ce journal est le témoin d’une succession de grandes phases de l’histoire du pays. Il a toujours accompagné les mutations politiques, sociétales et même médiatiques de l’Algérie. » Et d’ajouter : «Qu’on le veuille ou non, El Moudjahid constitue un peu le socle sur lequel toute la presse post-90 s’est bâtie. Il a été là dès le départ. Il est, d’une certaine manière, le père de tous les titres que nous connaissons aujourd’hui. Pour beaucoup d’entre nous, il demeure aussi un référent dans le traitement de l’information.» «J’ai eu l’honneur de faire partie de cette grande famille d’El Moudjahid durant une décennie. C’était une phase charnière entre les années 1990 et 2000. Cette expérience a été très enrichissante, tant sur le plan personnel que professionnel. Elle a forgé la responsable que je suis aujourd’hui.»
K. H.
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Amar Belkhodja, ancien journaliste et chercheur en histoire : «El Moudjahid m’a forgé»
Du haut d’une carrière d’un quart de siècle passé au journal, Amar Belkhodja, retenu en 1970 en qualité de correspondant particulier, puis journaliste permanent à partir de 1976, ne cesse de répéter qu’El Moudjahid est une «école». Il affirme que beaucoup de directeurs de journaux privés, nés de l’ouverture médiatique, sont issus d’El Moudjahid, citant au passage les Belhouchet et Fattani. Notre interlocuteur a également rendu un vibrant hommage à Halim Mokdad qu’il considère comme le «prince du reportage», «un monsieur fabuleux» et une «noble figure du journalisme». Des noms et tant d’autres qui ont «donné au journal une personnalité, une âme». Aussi, M. Belkhodja a affirmé que «c’est grâce à El Moudjahid qui m’a forgé, que je suis devenu aujourd’hui chercher en histoire».
F. I.
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Malika Naceri, ancienne responsable à la PAO : «C’est toute une vie…»
Malika Naceri fait partie de celles qui ont marqué durablement l’histoire du journal. L’une des premières femmes à y avoir été recrutée, elle y a commencé sa carrière comme secrétaire avant de devenir responsable à la PAO. Près de quarante années de fidélité à une institution qu’elle qualifie de grande école. «C’est une très belle initiative, profondément émouvante. Je ne pouvais pas rater une telle occasion. Elle m’a permis de revoir mes collègues, des anciens, certains que je n’avais pas croisés depuis des années. Être honorée aujourd’hui me touche énormément. Recevoir cette distinction devant mes anciens collègues, avec qui j’ai partagé tant d’années, m’a profondément émue. J’ai du mal à trouver les mots tant l’émotion est forte. C’est un geste qui marque, qui touche profondément. J’ai été l’une des premières femmes à rejoindre le journal. Pour moi, El Moudjahid ce n’est pas seulement un lieu de travail. C’est toute une vie.»
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Nadia Dridi, présidente de l’Association nationale pour la promotion des femmes : «Un véritable repère»
Mme Nadia Dridi, présidente de l’Association nationale pour la promotion et la protection des femmes et de la jeunesse, salue une initiative qu’elle juge porteuse de mémoire, de reconnaissance et de continuité historique. «Personnellement, je ne rate aucun événement du Forum d’El Moudjahid, en particulier lorsqu’il s’agit de notre histoire. Ce journal est un véritable repère. Il accompagne les grandes étapes du pays avec rigueur, fidélité et constance.» «Je peux me permettre de le dire fièrement : même dans d’autres institutions, on reconnaît à El Moudjahid toute sa valeur. Il représente l’Algérie avec dignité, dans ses réalités, son actualité et ses combats.»
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Mohamed Aissiouane, ancien PDG de Simpral : «Plus qu’un quotidien»
Pour l’ancien PDG de la Société d’impression d’Alger (Simpral), Mohamed Aissiouane, El Moudjahid est plus qu’un quotidien national, c’est avant tout le lieu où il a grandi. «J’ai commencé à travailler pour le journal en 1969… d’abord une trentaine d’années pour l’administration où j’ai exercé la fonction de chargé des ressources humaines», a-t-il indiqué avant de noter que durant les années 1990 et l’avènement de la presse privée, El Moudjahid s’est séparé de Simpral. «A cette période, j’ai passé 17 ans de ma carrière en qualité de Président-Directeur général de la Société d’impression d’Alger», a-t-il soutenu avant de mettre en exergue que la célébration du 60e anniversaire d’El Moudjahid lui procure une émotion particulière. «Un sentiment d’autant plus fort après avoir accordé près de 47 ans de loyaux service à l’entreprise. Permettez-moi de mettre à profit cette opportunité pour demander aux générations montantes de poursuivre l’œuvre et le projet édificateur de leurs aînés», a-t-il insisté. S. K.