Entretien réalisé par : Mokrane Aït Ouarabi
El Moudjahid : La Semaine mondiale du glaucome se tient le mois de mars de chaque année. Comment se déroule-t-elle en Algérie ?
Hakim Boudedja : Le but de la World Glaucome Association (WGA), dont fait partie la Société algérienne du glaucome (SAG) à travers l’organisation de cet événement, est d’inciter les ophtalmologistes, à travers le monde, à mener des campagnes de dépistage et de sensibilisation, d’encourager les populations à se faire dépister et d’attirer l’attention des autorités quant à la prise en charge de cette pathologie qui représente la première cause de cécité irréversible dans le monde. En Algérie, la SAG essaye surtout de faire un travail de sensibilisation envers la population à travers différents médias, afin de faire connaître cette pathologie qui est, malheureusement, mal connue dans notre pays. Des campagnes de dépistage sont menées régulièrement surtout dans les régions du Sud où l’accès à une consultation en ophtalmologie n’est pas toujours facile. Des rencontres et séminaires sont également organisés dans le cadre de la formation médicale continue afin de permettre aux confrères de se mettre à jour concernant la prise en charge de cette pathologie.
Quelle est la prévalence de cette maladie en Algérie ?
Malheureusement, on ne dispose pas de chiffres exacts sur cette maladie en Algérie. Car aucune étude épidémiologique nationale n’a été menée. Les seules données que nous avons sont celles de l’enquête de l’OMS sur les causes de cécité en Algérie de 2008 qui avait retrouvé une prévalence de 4.6% chez les patients de plus de 40 ans. Mais ce dont on est sûr, c’est qu’avec le vieillissement de la population et l’accès aux consultations d’ophtalmologie qui devient de plus en plus facile dans notre pays, le nombre de patients glaucomateux à prendre en charge ne fera qu’augmenter.
Quels sont les symptômes ou les principaux signes de cette maladie ?
Si on insiste beaucoup sur le dépistage, c’est surtout parce que cette maladie, dans sa forme la plus fréquente, ne présente aucun symptôme à son début et sa découverte se fait souvent de manière fortuite. Il s’agit fréquemment d’un patient qui consulte pour une baisse de vue pour un problème de correction par lunettes chez qui nous retrouvons une pression oculaire élevée, supérieure à 21 mmHg et un nerf optique altéré. Les explorations par certains examens complémentaires, comme l’OCT (Optical cohécence tomographie) et l’examen du champ visuel nous permettent de confirmer le diagnostic en montrant la destruction du nerf optique et ses conséquences avec des altérations du champ visuel et de faire un suivi pour surveiller l’évolution.
Comment peut-on dépister et traiter cette maladie ?
Pour ce qui est du dépistage, une consultation régulière en ophtalmologie est recommandée pour les personnes de plus de 40 ans. Et une consultation annuelle est recommandée pour les personnes qui présentent des facteurs de risque. Pour ce qui est du traitement, il est souvent médical par collyre. L’objectif principal est de baisser la pression oculaire afin d’arrêter ou freiner la destruction du nerf optique. On utilise différentes familles de médicament en collyre qui diminuent la production de l’humeur aqueuse ou augmente son élimination. Au cas où les médicaments ne sont pas suffisants pour baisser la pression oculaire, on peut associer des traitements par laser. La chirurgie est souvent utilisée en dernier recours, elle consiste le plus souvent à créer une fistule pour permettre à l’excès d’humeur aqueuse de s’accumuler dans une bulle conjonctivale avant d’être évacuée. Au cas où le glaucome devient réfractaire, d’autres moyens peuvent être utilisés tel que les valves de drainage.
Quelles sont les conséquences de la non- prise en charge de cette maladie à temps ?
Non pris en charge, le glaucome entraîne une destruction progressive et irréversible du nerf optique.
u début, le patient ne ressent pas sa maladie, mais si la pression oculaire reste élevée, le nerf optique va continuer de se dégrader, ce qui aura pour conséquence des altérations du champ visuel qui vont s’étendre et confluer et rendre le patient malvoyant au début, puis aveugle, ce qui aura forcément des retentissements sur la vie du patient lui-même qui deviendra dépendant de son entourage et qui va se répercuter sur toute la société.
Le glaucome est-il considéré comme une maladie chronique ?
Le glaucome est la maladie oculaire chronique par excellence, mais chez nous, malheureusement et à ce jour, cette maladie ne figure pas sur la liste des maladies chroniques de la Cnas/Casnos dont le traitement est remboursable à 100%.
Et nous ignorons. À la Société algérienne du glaucome, nous avons fait des démarches auprès des instances concernées pour que le glaucome soit considéré comme une maladie chronique, et ce, afin que sa prise en charge soit remboursable dans son volet exploration et thérapeutique médicale et chirurgicale. Et nous avons bon espoir que cela aboutisse dans un avenir proche.
M. A. O.