Timechret au village Mgheira (Aït Khelili) : de la fraternité et du vivre-ensemble

Le village Mgheira, situé au cœur de la commune Aït Khelili, sud-est du chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou, a vibré, vendredi dernier, au rythme d’une extraordinaire manifestation communautaire, en l’occurrence Timechret, une tradition ancestrale qui a transformé la place du village en un véritable espace de communion, de générosité et de cohésion sociales.

L’événement, marqué par une affluence exceptionnelle, a réuni plusieurs centaines de personnes, témoignant d’un formidable élan de solidarité marquée par une vive nostalgie et de chaleureuses retrouvailles entre les villageois dont certains ne se sont pas croisés depuis plusieurs années. De l’entrée jusqu’au centre de la place du village, les 514 parts de viande, appelées tikhamine, soigneusement alignées sur des feuilles d’eucalyptus, offraient un spectacle saisissant. Chacune de ces parts représentait symboliquement 10 personnes, une ingénieuse répartition pensée pour que nul ne soit oublié ou prend plus qu’un autre, nous explique un des membres du groupe de jeunes organisateurs de cet extraordinaire événement. Dans un geste empreint d’une grande générosité, ces tikhamine ont été distribuées gratuitement à l’ensemble des habitants du village, y compris ceux établis à l’étranger ou résidant dans d’autres wilayas. «Un acte inclusif, fidèle à l’esprit profond de la timechret : rassembler les enfants du village, où qu’ils se trouvent», nous dira le jeune Jugurtha.

Ces parts dont le poids de chacune dépasse les 7 kg de viande vont bénéficier à pas moins de 5 140 personnes, soit environs 700 grammes pour une personne, nous explique, également, le même volontaire, non sans rappeler la générosité des donateurs locaux, de la diaspora qui a permis la réussite de ce geste de solidarité d’une rare ampleur. Il a aussi mis en exergue l’extraordinaire mobilisation des villageois et villageoises pour cette initiative portée par la jeunesse locale et soutenue par la diaspora. Pas moins de 12 veaux ont été sacrifiés, la veille de la manifestation, conformément au rituel.

La découpe, la préparation et la mise en place se sont déroulées dans une parfaite organisation, fruit d’une coordination exemplaire entre les volontaires du village, notamment les bouchers qui ont pris en charge l’opération du sacrifice et la découpe de la carcasse des veaux, des jeunes dans la mise en place des parts de viande sur des feuilles d’eucalyptus et d’autres villageois qui ont pris en charge d’autres aspects organisationnels, tels que l’accueil des invités et visiteurs, servir l’eau, café, thé, gâteaux, crêpes et différents plats de couscous, pendant qu’un groupe de jeunes hyperdynamiques s’était chargé des lots de viande à remettre aux bénéficiaires, préalablement inscrits sur des listes établis par des responsables des «iderma».

Dès les premières heures de la journée, Mgheira s’est métamorphosé en un espace vivant, coloré et respirant une ambiance festive. Rires, retrouvailles, discussions entre anciens et jeunes… La place du village offrait un tableau vivant où se mêlaient fraternité, respect des traditions et joie partagée. Les habitants évoquent une atmosphère empreinte de bien-être collectif, où chacun se sentait acteur et bénéficiaire d’un même héritage culturel. 

Ould Ali El-Hadi, président de la JSK, invité d’honneur

La présence de familles venues des quatre coins du pays, voire de l’étranger, a renforcé cette dynamique de retrouvailles intergénérationnelles. La présence du président de la SSPA JSK, Ould Ali El Hadi, a suscité une vive manifestation de joie exprimée par les villageois visiblement ravi d’accueillir le président de leur club fétiche. Invité à y assister à cet événement, Ould Ali El Hadi a tenu, en dépit de son agenda chargé, à y faire un crochet et marquer de sa présence cette fête villageoise. «Je suis très content d’assister à cette manifestation visant la consolidation des liens de fraternité et la transmission des valeurs ancestrales aux générations actuelles et futures», a-t-il souligné, entouré d’une foule de citoyens, jeunes et moins jeunes, lui demandant des nouvelles sur la JSK.

Affable et respectueux, le président de la JSK et non moins ancien ministre de la jeunesse et des sports a répondu à toutes les sollicitations de prise de photos souvenirs émises par les citoyens désirant immortaliser cette halte mémorable pour eux.

Des valeurs communautaires essentielles pour un environnement sain

La timechret de Mgheira, village sur qui veillent deux figures spirituelles respectées et unificatrices, Sidi Bou-bkeur et Sidi El Mehdi, en l’occurrence, puise ses racines dans la tradition ancestrale de la Kabylie. La manifestation constitue à la fois un acte de dévotion, de mémoire et d’identité, rappelant l’histoire commune et les valeurs de solidarité qui façonnent le village depuis des siècles.

Timechret symbolise l’un des socles les plus solides de la société kabyle, la solidarité communautaire jalousement préservée grâce au formidable travail de transmission intergénérationnelle. Indéniablement, de telles manifestations rappellent l’importance de renforcer les liens sociaux, préserver les traditions ancestrales, consolider l’entraide intergénérationnelle, tisser un environnement serein et solidaire, maintenir un équilibre social porteur d’humanité. Les habitants de Mgheira et, à travers eux, tous les villageois célébrant, ces jours-ci, cette tradition millénaire, démontrent que la force d’un village réside dans sa capacité à rassembler, partager et transmettre les bonnes valeurs.

La fête de cette année restera sans doute gravée dans les mémoires, tant par son organisation que par son ampleur. «Elle constitue un exemple inspirant pour d’autres villages de la région, où des actions similaires pourraient contribuer à nourrir un climat social apaisé, engagé et harmonieux», nous dira un citoyen de ce village ayant réussi ce grand défi de réunir l’ensemble de ces enfants établis ici en Algérie et ailleurs. À l’origine de cette action remarquable, un groupe de jeunes de Mgheira, déterminés à perpétuer et à revivifier cette tradition séculaire. Leur mobilisation, conjuguée à la générosité des bienfaiteurs locaux et de la diaspora, a permis l’organisation de cette timechret qui était, faut-il le souligner, d’une ampleur exceptionnelle.

A noter que cette grandiose fête de timechret est le deuxième événement organisé par ce groupe de jeunes bénévoles en l’espace d’un mois. La retentissante réussite de la première initiative qui a consisté en une rencontre ayant réuni le 10 octobre dernier dans une ambiance chaleureuse et sincèrement fraternelle, les habitants du village, rejoints par des visiteurs venus des localités voisines, mais aussi d’autres habitants du village vivant dans d’autres wilayas du pays et même à l’étranger, pour partager dans la joie et la convivialité un savoureux couscous préparé à l’occasion à encourager ces jeunes à se lancer dans ce deuxième défi qu’ils ont réussi à relever malgré leur manque d’expérience dans l’organisation de telles manifestations nécessitant beaucoup de sagesse, de patience et surtout de l’expérience.

B. A.

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