Filière oléicole et production d’huile d’olive en Algérie : l’or vert à la conquête du monde

Symbole d’un patrimoine millénaire et fruit d’un savoir-faire familial, l’huile d’olive algérienne s’illustre, désormais, sur la scène internationale. Récompensée à plusieurs reprises, lors de concours mondiaux, elle confirme la qualité exceptionnelle de ses producteurs et le potentiel stratégique d’une filière en pleine modernisation.

Émonde d'une histoire millénaire, l’olivier incarne dans notre pays, l’Algérie, plus qu’une simple culture agricole. Présent en particulier dans les paysages du nord et de l’ouest, cet arbre emblématique est le symbole de résilience et de prospérité, offrant surtout aux populations locales l’un des trésors les plus prisés, l’huile d’olive. Fruit d’un savoir-faire ancestral, ce produit occupe une place centrale dans la vie quotidienne des Algériens, des traditions culinaires aux rituels sociaux.

Il faut souligner que l’Algérie figure parmi les principaux acteurs mondiaux de l’oléiculture en occupant, selon les dernières données du Conseil oléicole international (COI), la quatrième place pour la production d’olives de table et se classe septième pour les superficies dédiées à l’olivier. Longtemps perçue comme une activité essentiellement artisanale et tournée vers les besoins locaux, la filière oléicole s’affirme désormais comme un levier économique majeur. Le pays, qui dispose d’un vaste potentiel oléicole dans ses régions du Nord et dont les plantations s’étendent progressivement vers le sud, mise aujourd’hui sur la modernisation de ses procédés et sur la valorisation de son huile d’olive afin de mieux s’inscrire dans les échanges internationaux. Les pouvoirs publics ont engagé des investissements importants pour soutenir les producteurs, améliorer les rendements et hausser les standards de qualité, avec l’objectif de hisser la production nationale au niveau des exigences mondiales. Mais derrière cette richesse patrimoniale se cachent des défis économiques et environnementaux que les producteurs et les oléifacteurs s’efforcent de relever, oscillant entre modernisation et préservation des traditions. L’oléiculture occupe la deuxième place après les céréales et ce, en termes de superficie cultivée et de production, l’olivier régnant en maître. Véritable pilier de l’agriculture locale, il s’avère être bien plus qu’une simple ressource.

Chaque année, durant la cueillette, les villages et toutes les localités du nord du pays s’animent au son des mains expertes qui extraient des fruits précieux. Dans les montagnes de la commune d’Ath Laâziz, limitrophe de Draâ El Mizan et Boghni, dans la wilaya de Tizi Ouzou, un spectacle intemporel se joue : La récolte des olives. C’est ici, dans le petit village Chekouh, niché sur les hauteurs de la région, que les familles perpétuent une tradition vieille de plusieurs siècles. Nous sommes le jeudi 19 novembre. Au-delà de l’effort physique, c’est aussi un moment de transmission. Les familles partagent les secrets de la récolte.

Le moment exact pour cueillir les olives, le soin à apporter aux arbres et l’importance de la patience s’allient pour produire une huile d’olive de qualité. Au centre de cette scène, un vieil homme au visage buriné par le temps et les épreuves attire tous les regards. Ahmed, ou «aâmi Ahmed» comme aiment bien l’appeler les villageois, 81 ans, est le chef de cette famille. Malgré le poids des années, il refuse de se tenir à l’écart. D’un pas lent mais assuré, Ahmed s’avance parmi les oliviers, «armé» d’un bâton traditionnel. «Chaque arbre ici est témoin aussi de beaucoup d’histoires, je l’ai vu grandir, comme mes propres enfants», confie-t-il, le sourire empreint de fierté. Il est accompagné de ses enfants et petits-enfants, venus lui prêter main-forte au début de la campagne oléicole qui s’annonce prometteuse. Les rires des plus jeunes résonnent alors qu’ils grimpent dans les arbres pour secouer les branches, tandis que les femmes s'affairent à ramasser les olives tombées dans de larges filets verts étalés sur le sol. «C’est un travail de famille, et c’est ce qui le rend spécial, l’huile d’olive est chère...», se réjouit Arezki, le fils aîné résidant à Alger, venu aider son père dans la campagne oléicole.

La récolte, bien que joyeuse, est fort exigeante. Pourtant, le chef de famille ne se plaint jamais. «Tant que mes jambes me portent, je viendrai ici. Chaque goutte d’huile qui en découle est le fruit de notre sueur et de notre amour pour cette terre», affirme-t-il tout en caressant l’écorce rugueuse d’un olivier centenaire. Malgré l’insistance de ses enfants et petits-enfants de ne pas «s’aventurer» eu égard à son âge, le «chef» est intransigeant. Au-delà de l’effort physique, c’est aussi un moment de transmission. Les familles partagent les secrets de la récolte. Le moment exact pour cueillir les olives, le soin à apporter aux arbres et l’importance de la patience s’allient pour produire une huile d’olive de qualité. Le soir, après une longue journée pénible pour les non habitués à ce genre d’activités, la famille se réunit autour d’un repas simple mais chaleureux. Le pain est trempé dans la première presse d’huile d’olive, encore légèrement trouble mais intensément parfumée. «C’est le goût de notre terre», dit-on émus.

L’itinéraire technique fait référence à l’ensemble des étapes de production, de la récolte des olives à un stade optimal, leur transport rapide vers les moulins et leur transformation dans des conditions respectant les normes de qualité. Mais derrière cette scène idyllique, des défis persistent. Les équipements modernes sont coûteux et le marché de l’huile d’olive devient de plus en plus compétitif. Dans la wilaya de Bouira et partout à travers le pays, la production est importante cette année. Le défi majeur étant l’amélioration des processus de production, de la récolte à la commercialisation. Le pays dispose aujourd’hui d’un patrimoine oléicole considérable. Avec plus de 400.000 hectares d’oliveraies répartis à travers 49 wilayas, soit presque la moitié des terres agricoles nationales, le verger algérien compte plus de 65 millions d’arbres, dont 48 millions sont en pleine production.

Chaque année, la récolte dépasse les 9 millions de quintaux d’olives, dont une grande partie, environ 6 millions de quintaux, est destinée à la trituration, a-t-on indiqué au ministère de l’agriculture, en précisant que la filière génère ainsi quelque 100 millions de litres d’huile d’olive par campagne. Pour renforcer encore cette dynamique, le ministère de l’Agriculture avait, pour rappel, lancé en 2024, un plan important visant la plantation d’un million d’oliviers supplémentaires, inscrit dans une stratégie plus large qui projette d’atteindre un million d’hectares d’oliveraies à l’horizon 2030. Avec plus de 35.000 hectares de terres oléicoles, dont 26 .000 hectares en rapport, Bouira est indéniablement un acteur clé dans la production d’huile d’olive en Algérie.

«Chaque année, près de 6 millions de litres d’huile issus de 4,3 millions d’oliviers, principalement de la variété Chemlal, réputée pour sa qualité supérieure, sont produits et mis sur le marché», a déclaré, à El Moudjahid, le directeur des services agricoles (DSA), Bendjaballah Zine El-Abidine, expliquant que «contrairement aux années précédentes, les oléifacteurs commencent à suivre et surtout à respecter l’itinéraire technique, qui reste une priorité pour permettre non seulement à la filière de se développer pleinement mais aussi de produire de l’huile d’olive de qualité». L’itinéraire technique fait référence à l’ensemble des étapes de production, de la récolte des olives à un stade optimal, leur transport rapide vers les moulins et leur transformation dans des conditions respectant les normes de qualité.

L'absence de coopératives agricoles susceptibles de regrouper producteurs, transformateurs et autres acteurs du secteur, demeure cet autre grand obstacle à l’épanouissement de la filière. Djamel, propriétaire de deux huileries (moderne et ancienne), met en avant la qualité de l’huile produite dans la région, naturellement bio, et ce, dit-il, grâce à l’absence d’engrais chimiques. «Nos montagnes offrent des conditions idéales pour la culture de l’olivier. Les agriculteurs commencent à abandonner les sachets pour la collecte des olives. Des caisses spéciales pour transporter les olives et les triturer dans les meilleurs délais sont de plus en plus utilisées. Ce sont des détails qui garantissent la fraîcheur et la qualité de notre huile», explique-t-il. Les professionnels du secteur sont, toutefois, catégoriques : «Certes, la filière a un potentiel énorme.

Mais pour que ce potentiel soit pleinement exploité, il faudra passer par une modernisation des infrastructures et une meilleure organisation du secteur.» Ainsi, en dépit des avancées notables, l’oléiculture algérienne doit relever de nombreux défis afin de répondre aux normes et aux exigences du marché mondial. La clé réside, selon de nombreux experts, dans une meilleure organisation et un soutien renforcé aux producteurs locaux pour garantir un avenir prospère à cette filière essentielle. Les professionnels du secteur sont, toutefois, catégoriques : «Certes, la filière a un potentiel énorme. Mais pour qu’il soit pleinement exploité, il faudra passer par une modernisation des infrastructures et une meilleure organisation du secteur.» Aujourd'hui, le secteur est fragmenté. L’Algérie possède une richesse incontestable, notamment avec l’expansion de la culture de l’olivier dans les zones steppiques. Grâce à cette expansion, la production nationale d’huile d’olive atteint 100 millions de litres par an, soutenue par plus de 65 millions d’oliviers, dont 48 millions sont productifs.

En parallèle, la filière oléicole bénéficie du soutien de l’État qui l’a placée parmi les secteurs prioritaires pour la diversification de l’économie nationale et la sécurité alimentaire. Toutefois, la mise à jour des équipements de récolte et de stockage ainsi que la création d’un Office national de l’huile d’olive pouvant organiser et soutenir les professionnels est aussi une nécessité. Des professionnels soulignent également l'importance d'exploiter les sous-produits de l’olive, comme les noyaux, pour des applications écologiques, et d’améliorer la qualité de l’huile en imposant des analyses de laboratoire. «Nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens que nous avons. Mais la modernité ne doit pas effacer notre manière de faire», conclut aâmi Ahmed.

Pour lui, l’olivier est bien plus qu’un arbre, c’est un héritage, un symbole de vie et un lien indéfectible entre les générations. L’huile d’olive algérienne n’a pas acquis une reconnaissance, tant locale qu'internationale, par hasard. Les récentes distinctions obtenues par des producteurs lors des différents salons et expositions organisés en Europe, en Asie et en Afrique en témoignent. Avec une majorité de leur superficie couverte de plaines, de basses montagnes et de collines, ces sites sont des lieux naturellement propices à la culture de l’olivier, que cette dernière développe depuis l’antiquité.

L’Algérie figure parmi les principaux acteurs mondiaux de l’oléiculture, en occupant la quatrième place pour la production d’olives de table et se classe septième pour les superficies dédiées à l’olivier.

La production nationale d’huile d’olive atteint 100 millions de litres par an, soutenue par plus de 65 millions d’oliviers,dont 48 millions sont productifs.

A. F.

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Portrait, Omar Ouagued : l’homme qui parle le langage de l’olivier

À Ahnif, à l’est de la wilaya de Bouira, on dit de lui qu’il ne quitte son verger que pour mieux y revenir. Omar Ouagued, la cinquantaine passée, n’est ni un homme de discours ni un amateur de projecteurs. oléifacteur pur, taillé pour la patience, Omar est habité par une seule obsession, celle de produire une huile d’olive irréprochable. Avec 12.000 oliviers plantés, l'homme travaille comme d’autres prient, chaque jour, sans relâche. Sa petite unité moderne de trituration, Azemour, qu’il a montée dinar après dinar, est son arme secrète. Chez lui, aucune olive n’attend. Récoltée le matin, triturée l’après-midi. «Une bonne huile, c’est une olive fraîche. Le reste, c’est du folklore», lâche-t-il sèchement. Le fruit de cet acharnement ne tarde pas à se faire remarquer. Son huile d’olive a décroché une médaille d’or dans la catégorie «Mûr intense» au 18ᵉ concours international «Huiles du monde», organisé à Paris en 2020, ainsi que d’autres distinctions saluant ainsi la qualité exceptionnelle de sa production. Mais ce qui motive Omar n’est pas la gloire ni les trophées. Ce qu’il cherche, c’est la justesse. «Nous avons participé à plusieurs concours internationaux, non pas pour faire de la publicité ou chercher la renommée, mais pour faire reconnaître la qualité de notre huile. Chaque concours est pour nous une occasion de mesurer notre travail face aux standards mondiaux et de valoriser le fruit d’années de patience et de savoir-faire. L’objectif n’a jamais été commercial : il s’agit avant tout de prouver, à travers l’excellence de l’huile, que notre méthode et notre exigence portent leurs fruits», a-t-il précisé. Un fruité propre, un taux de peroxyde bas, une traçabilité sans faille. Ce sont là les standards mondiaux que toute huile d’olive digne de ce nom se doit de respecter. Lui, il contrôle tout, jusqu’aux moindres détails, connaissant chaque arbre et chaque parcelle plantée. «Ici, l’olivier ne pardonne pas l’à-peu-près», a-t-il indiqué.

A. F. 

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De déchet à l’engrais : le grignon d’olive valorisé

Dans le souci de protéger l’environnement et de soutenir une agriculture durable, plusieurs initiatives ont vu le jour en Algérie pour transformer les résidus d’olive en compost de haute qualité. «Notre objectif est de donner une seconde vie au grignon d’olive et de produire un engrais naturel qui enrichisse les sols», explique l’oléifacteur Omar Ouagued, bénéficiaire de l’un de ces projets. Appuyé par le PNUD et l’Union européenne, ce programme s’appuie sur les principes de l’économie circulaire et la coopération avec les huileries locales. «Nous encourageons les producteurs à ne plus jeter leurs déchets, mais à les acheminer vers les unités de transformation. Leur participation est cruciale pour assurer la durabilité et le succès du projet», ajoute Omar Ouagued. Pour lui, cette démarche démontre qu’il est possible de concilier protection de l’environnement et développement rural. «Participer à ce programme, c’est contribuer à l’économie locale tout en préparant l’avenir de la filière oléicole en Algérie», conclut-il. Il faut souligner qu’au niveau national, le Programme d’appui au secteur de l’agriculture en Algérie (PASA) avait sélectionné plusieurs projets innovants dans la filière oléicole pour bénéficier d’un soutien financier. Ces initiatives concernent principalement les wilayas de Bouira, Tizi Ouzou et Béjaïa, regroupées sous le nom de «Pôle Soummam», et ont été retenues à la suite d’un appel à projets visant à stimuler l’innovation et le développement durable dans le secteur. Ces projets couvrent un large éventail d’activités. Certains visent à transformer les grignons d’olive en biocombustible ou à produire du compost et d’autres fertilisants à partir des coproduits de l’huile. D’autres, a-t-on précisé des services agricoles, se concentrent sur la modernisation de la filière, avec l’acquisition de lignes de conditionnement, la fabrication de savons artisanaux à base d’huile d’olive, le développement de produits parapharmaceutiques ou l’amélioration des processus de collecte et de transport des olives.

A. F. 

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La filière oléicole en chiffres :

• Superficie totale d’oliveraies : 400.000 hectares répartis sur 49 wilayas

• Nombre total d’arbres : 65 millions, dont 48 millions en production

• Production annuelle d’olives : plus de 9 millions de quintaux

• Huile d’olive produite chaque année : environ 100 millions de litres

• Objectif national à l’horizon 2030 : 1 million d’hectares d’oliveraies

• Classement mondial : 4ᵉ pour les olives de table, 7ᵉ pour les superficies oléicoles (COI)

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