Bouira : la pollution gagne les centres urbains

L’environnement de la wilaya de Bouira est en train de se dégrader d’une manière inquiétante. Véritables veines hydriques façonnant les paysages et alimentant les terres agricoles, les oueds jouent, depuis toujours, un rôle vital dans l’équilibre naturel et la vie des populations. Pourtant, ces cours d’eau, qu’ils descendent des reliefs montagneux ou serpentent à travers des villes, sont aujourd’hui à bout de souffle.

Dans la wilaya de Bouira, ils sont victimes d’une dégradation accélérée due essentiellement aux rejets domestiques, aux eaux usées, aux déchets solides et, plus récemment, aux débris provenant des chantiers de construction. Dans la commune d’Ath Laâziz, à Sour El Ghozlane, et au cœur de la foret récréative d’Errich, au chef-lieu de wilaya, les cours d’eau offrent une image éloquente de cette «dérive». Transformé en dépotoir à ciel ouvert, il charrie désormais des eaux noires et stagnantes dégageant ainsi des odeurs nauséabondes et constituent aussi un milieu favorable à la prolifération de bactéries et de virus. «L’odeur est devenue insupportable et la pollution impacte directement notre quotidien», confie un habitant excédé.

Ce phénomène n’épargne pas les localités limitrophes du chef-lieu de wilaya, où plusieurs oueds situés dans des zones densément peuplées, notamment à Aïn Lahdjar, Bechloul ou encore à Aïn Bessem, connaissent un sort similaire. À chaque saison, les rives se couvrent de détritus, de sacs en plastique, d’eaux usées déversées sans traitement et, plus récemment, de débris issus de chantiers de bâtiments. Ces derniers, souvent jetés illégalement dans le lit des cours d’eau, contribuent à leur envasement et bloquent parfois leur écoulement naturel. Lors des fortes pluies, ce phénomène accentue les risques d’inondations et de débordements dans les quartiers environnants. Plus haut, dans les zones montagneuses, les oueds ne sont pas épargnés. Jadis sources d’eau claire alimentant les terres agricoles et la biodiversité, ils sont désormais menacés par les rejets sauvages et la pression humaine. Leurs rives, autrefois couvertes d’une végétation luxuriante, sont aujourd’hui souillées par les déchets, tandis que leurs lits sont encombrés par des matériaux de construction ou des gravats abandonnés. Les conséquences de cette pollution sont multiples et préoccupantes.

Outre les nuisances olfactives et visuelles, elle représente un risque sanitaire majeur. Les habitants redoutent l’apparition de maladies infectieuses, notamment gastro-intestinales et dermatologiques, surtout chez les enfants qui s’approchent souvent de ces eaux contaminées sans en mesurer les dangers. «Je vois souvent des enfants jouer près de l’oued, c’est extrêmement dangereux», alerte Ahmed, père de famille à Ain Lahdjar. Face à cette situation, les ministères de l’Environnement et de l’Intérieur ne cessent de rappeler les instructions claires aux collectivités locales pour intensifier les opérations de curage, de nettoyage et de protection de ces milieux fragiles. Des campagnes ponctuelles ont bien été menées, mais elles restent, selon les habitants, insuffisantes et trop espacées dans le temps. «Nous avons organisé plusieurs journées de nettoyage, mais après chaque pluie, les déchets reviennent», témoigne Farid, membre d’une association activant dans le domaine de la protection de l’environnement.

Les appels des citoyens se font de plus en plus insistants pour que les communes, les services techniques notamment de la direction de l’environnement s’engagent dans une démarche plus durable et coordonnée. Cela passe, a-t-on insisté, par une surveillance stricte des chantiers, la répression des déversements illégaux et la création de zones de dépôt contrôlées pour les gravats.

A. F. 

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