Plate-formes numériques en Afrique : la Déclaration d’Alger adoptée

Une riche activité des ministres africains a marqué, hier, le deuxième jour du la 4e édition de la Foire africaine des Start-up (ASC-2025) qu'accueille l'Algérie sous le haut patronage du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, au Centre international des conférences (CIC) d'Alger.

Dès les premières heures de la matinée, les ministres africains en charge des technologies de l'information, des télécommunications et de l'économie numérique ont adopté, d'une seule voix, la Déclaration d'Alger sur des plate-formes numériques équitables, sûres et responsables. Bien plus qu'une simple résolution, cet acte fondateur incarne une volonté politique continentale sans précédent de redéfinir les termes de l'échange avec les géants mondiaux du numérique.

La résolution en question s’accompagne d’une symbolique forte à savoir que son adoption intervient aussi dans le cadre de la célébration de la Journée africaine des télécommunications, que le continent célèbre le 7 décembre de chaque année. L’esprit et la lettre de la Déclaration d’Alger obéit à la logique de consolidations des capacités africaines d’influence en introduisant des règles de contribution économique équitable, des mécanismes de souveraineté des données, des normes de responsabilité en matière d'intelligence artificielle, ainsi que de nouvelles obligations applicables aux OTT (ndlr, services du contenu vidéo, audio et messagerie par interne) opérant en Afrique.

Inspirée de cadres internationaux tels que le Digital Services Act européen, la Déclaration d’Alger, qui positionne l’Afrique comme co-auteur de la gouvernance numérique mondiale, signe la fin d’une ère de passivité, dans le sillage de laquelle les représentants du continent ont été longtemps cantonnés au rôle de spectateur, et décrète l’avènement d’une Afrique exigeante, prête à codifier les règles de son propre destin digital.

En somme, il s’agit donc d’un tournant stratégique en vertu duquel le continent africain affirme haut et fort sa souveraineté numérique tout en veillant à ce que les plate-formes globales contribuent équitablement au développement du continent. En la matière, les engagements contenus dans la Déclaration d’Alger soulignent notamment que les données africaines doivent impérativement demeurer en Afrique, grâce à la localisation Cloud et aux infrastructures souveraines. Autre exigence, celle se rapportant à la protection des cultures, langues et valeurs sociétales africaines via une modération adaptée.

A cela s'ajoutent des obligations strictes pour l'IA responsable, incluant transparence, anti-piratage et sécurité algorithmique ainsi qu’une protection renforcée des utilisateurs, notamment femmes, enfants et groupes vulnérables. A l’issue de son adoption, le ministre de la Poste et des télécommunications, Sidi Ali Zerrouki, a qualifié la Déclaration d’Alger de « nécessité vitale » dans la mesure où celle-ci vise à mettre un terme « à une exploitation systémique, où les plateformes mondiales et les empires de l'intelligence artificielle puisent les données, les richesses numériques et l'attention des populations africaines sans contrepartie, sans investissement et hors de tout cadre contraignant », a-t-il affirmé à la presse.

Le ministre a ainsi plaidé pour la transformation de l’Afrique de simple consommatrice à créatrice de contenus ; de décideuse souveraine et d’architecte de son avenir numérique. Cette métamorphose, a-t-il expliqué, passe par l'édification de cadres juridiques contraignants, conçus comme les instruments d'une réparation historique. Une métamorphose dans le sillage de laquelle les géants mondiaux du digital seront amenés à mieux s’impliquer dans l’économie réelle du continent, à devenir des investisseurs, des pourvoyeurs d'emplois et des partenaires économiques responsables, a soutenu Sid Ali Zerrouki.

Il a ainsi salué l’approbation unanime du projet de la Déclaration d’Alger qu’il a décrit de « victoire préliminaire, de premier jalons d’un long processus de rééquilibrage », précisant que le document est destiné à être entériné par l'Union Africaine dès début 2026. De son côté, le secrétaire général de l’Union africaine des télécommunications, John Omo, a mis en relief dans ses propos l'importance incontournable des plate-formes et des réseaux, tout en pointant l'impasse mondiale actuelle sur la question cruciale du partage équitable de la valeur. Il a surtout mis l’accent sur un nouveau processus amorcée depuis hier Alger, affirmant que celui-ci « est pionnier, car il place pour la première fois au cœur du débat continental la nécessité d'un dialogue honnête, loin de toute diabolisation stérile, et ce, en vue d'instaurer une conversation de vérité sur la rémunération des investissements et des contributions de chacun au sein de l'écosystème numérique africain »

La Déclaration d’Alger, précise-t-il, « se veut l'amorce d'une gouvernance par les faits. Elle établit des voies claires et un tableau de bord continental destiné à surveiller les activités, s'appuyant sur un processus empirique pour distinguer les bonnes pratiques des abus ». « La protection des citoyens, en particulier des plus vulnérables, comme les enfants exposés à des contenus non régulés et nocifs, a été placée au rang de priorité absolue, tout comme la gestion souveraine des données, ce nouvel or noir du siècle », a-t-il appuyé.

Pour sa part, la commissaire aux infrastructures et à l’énergie de l’Union africaine, Mme Lerato Metaboge a exprimé le soutien sans réserve de l'UA à cette initiative, portée par l'UAT et les ministres sous leadership algérien. Elle s’est engagée à convoquer prochainement les ministres concernés au sein des instances techniques spécialisées de l'Union africaine, dans l’objectif, dit-elle, est « d'ancrer irréversiblement ce travail dans le plan de mise en œuvre de l'Agenda 2063, le projet de transformation socio-économique du continent, faisant ainsi de la souveraineté numérique un pilier central du rêve panafricain ».

K. A.

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