«Les forces qui secouent notre monde ébranlent jusqu’aux fondements du système des Nations unies», alerte Antonio Guterres.
L’Organisation des Nations unies, dont la 80e l’Assemblée générale annuelle se tient depuis mardi, est au mieux à la croisée des chemins. La vieille institution, legs d’un monde qui n’existe plus, ne parvient manifestement pas à évoluer à la même vitesse que les événements et les bouleversements, étale plus que jamais son inefficacité et son impuissance, mais demeure de l’avis de la majorité des Etats membres, un cadre dont ne sauraient se passer les relations internationales au risque de sombrer dans le chaos.
Un paradoxe illustre cet état de fait. Au moment où la mythique salle du siège de New York s’est ouverte aux frissons émus de nouvelles déclarations de reconnaissance de l’Etat palestinien, et la confirmation de celles qui les ont précédés dans la semaine, la machine de guerre sioniste continuait à faire avancer ses chars et ses véhicules bourrés d’explosifs dans les quartiers de Ghaza, et des enfants se faisaient déchiqueter par les bombes. L’auguste assemblée est bel et bien obligée de se contenter de célébrer des victoires symboliques, qui ont leur pesant diplomatique certes, mais qui ne suffisent pas du tout à réhabiliter ce cadre multilatéral international créé pour, entre autres nobles missions, veiller à la sécurité et la paix dans le monde.
« Les forces qui secouent notre monde ébranlent jusqu’aux fondements du système des Nations unies. Nous sommes confrontés à des tensions et à des divisions géopolitiques croissantes, à une incertitude chronique et à une pression financière de plus en plus forte ». C’est en ces mots qu’Antonio Guteress a de nouveau alerté mardi sur l’érosion continue de la crédibilité de l’ONU et de la remise en cause, de plus en plus généralisée, du droit international comme instrument d’arbitrage entre les nations. « La paix est notre première obligation. Mais aujourd’hui, les guerres font rage avec une barbarie que nous avions juré de ne plus jamais permettre, a-t-il poursuivi. A travers le monde, nous voyons des pays agir comme si les règles ne s’appliquaient pas à eux. Nous voyons des humains traités comme moins que des humains. Et nous devons le dénoncer. L’impunité est la mère du chaos, et elle a donné naissance aux conflits les plus atroces de notre temps », a-t-il ajouté.
Les près de 35 dirigeants du monde qui se sont succédés à la prestigieuse tribune, celle-là même qui a vu défiler des générations de dirigeants depuis 80 ans (le siège de l’ONU a été inauguré en 1951), ont pour la plupart fait le même constat alarmant, mettant en avant leurs préoccupations régionales selon les contextes géopolitiques. Le seul à s’être distingué du lot et à assumer une opposition bien connue à l’institution onusienne, est le président américain, lors d’un discours où il ne s’est pas retenu de s’attaquer à ses agences « budgétivores », sa « bureaucratie », voire sa partialité. C’est au cœur de cet antre dédié au multilatéralisme que Donald Trump a vanté la puissance des Etats Unis et sa vocation « naturelle » à agir à l’international, affirmant notamment avoir plus fait pour la paix, depuis son retour à la Maison -Blanche, bien plus que l’ensemble des institutions de l’ONU.
Intervenu juste avant, le président brésilien Lula da Silva, a défendu une tout autre vision des relations internationales, de même que ses homologues du Pérou et de la Colombie, renouvelant un attachement au magistère aujourd’hui malmené des Nations unies. Le dirigeant Sud-africain Cyril Ramaphosa, a pour sa part, plaidé de nouveau pour une réforme structurelle de l’ONU, notamment au niveau du Conseil de sécurité, où doit être levé le monopole des cinq membres permanents sur le levier de décision mondiale.
L’actuelle session de l’Assemblée générale s’avère pour l’heure un moment de consensus théorique global sur la nécessité de revoir le fonctionnement de l’institution et le renforcement de ses outils d’intervention. Sauf que la réalité des relations internationales aujourd’hui, avec un sérieux contexte de pré-guerre mondiale, ne laisse que peu de place à un effort collectif de redressement.
M. S.