Accablantes révélations du Guardian sur les centres d’aides à Ghaza : Onze minutes pour survivre ou mourir

L’ouverture de ces véritables enclos inhumains ne dure qu’entre 8 et 11 minutes à chaque fois, en tout et pour tout, le temps donné aux demandeurs d’aides pour effectuer cette course du désespoir vers les cartons de denrées, avant de disparaître, sous peine de se voir abattre par les tirs de chars stationnés aux alentours.

Une enquête publiée ce mardi 22 juillet par le grand quotidien britannique The Guardian pointe le caractère délibéré du sinistre mécanisme d’aide humanitaire mis en place à Ghaza depuis le 29 mai dernier, par l’entité sioniste. Le dispositif décrié depuis son lancement par les humanitaires du monde entier, et boycotté par le réseau onusien, a entrainé dans le piège mortel plus de 1.000 Palestiniens, et blessé des centaines d’autres venus quérir, au risque de leur vie, ces rations de malheurs, alors que le blocus israélien est maintenu sur le territoire depuis le 2 mars dernier.
L’enquête commence par le témoignage de Raed Jamal, un trentenaire faisant partie de près de 2 millions de Ghazaouis exténués par les déplacements et torturés par la faim. «Les chars sont arrivés et ont commencé à tirer. Trois garçons près de moi sont morts en martyrs. Je n'ai rien reçu, juste deux cartons vides», raconte ce père de quatre enfants sur le chemin de retour vers sa misérable tente. Comme lui, des milliers de Palestiniens documentent leur tragédie en se confiant à leurs smartphones, comme des naufragés laissent des témoignages d’agonie solitaire. Le journal britannique apprend que le périple de survie de Raed Jamal implique de longs kilomètres de marches au quotidien pour tenter la mortelle aventure avoir un sac de farine ou un colis de denrées. Dans son cas, il doit gagner un «centre» aménagé parmi les vestiges d’un quartier résidentiel aujourd’hui réduit en désert de sable et de tufs par la dévastation. Trois autres centres, gérés par la très controversée Fondation humanitaire de Ghaza (FDG), sont censés remplacer les près de 400 qui étaient ouverts avant le blocus par le réseau onusien. Mais le pire est que ces points de distribution sont situés au cœur de zones préalablement évacuées sur ordre de l’armée sioniste, et donc considérées comme des zones militarisées avec ce qu’implique le classement comme risque sur les civils.

Une course sous les balles des snipers

Autre éléments flagrant du piège. L’ouverture de ces véritables enclos inhumains ne dure qu’entre 8 et 11 minutes à chaque fois, en tout et pour tout le temps donné aux demandeurs d’aides pour effectuer cette course du désespoir vers les cartons de denrées avant de disparaître, sous peine de se voir abattus par les tirs de chars stationnés à l’entour. L’heure est annoncée via un post Facebook, avec des délais qui ont raccourci depuis la fin mai dernier, laissant de moins en moins de temps aux demandeurs de parcourir les distances.
Avant l’ouverture, il est de même interdit de s’approcher, au risque de recevoir une rafale, comme l’attestent ces centaines de vidéos circulant sur les réseau sociaux et montrant des milliers de Palestiniens couchés à plat ventre dans ces terrains vagues encerclés alors que crépitent les impacts de balles autour d’eux. Ce scenario s’est joué presque quotidiennement depuis le 29 mai dernier. Comme l’ont relevé les agents humanitaires de l’ONU et repris par The Guardian, le système en dehors des risques évoqués, ne laisse de chance qu’«aux plus forts». L’objectif évident des concepteurs du mécanisme est aussi psychologique : réduire les palestiniens affamés à l’indignité des bousculades animales, à se marcher dessus littéralement pour ne pas mourir de faim.
Mahmoud Alareer, un autre témoin cité par l’enquête, «habite» une tente à l'ouest de la ville de Ghaza ; trop loin pour se fier aux annonces d’ouverture du site d'aide auquel il doit se rendre, à Wadi Gaza. Aussi, il se résout à tenter l’expédition, à pied, au milieu de la nuit pour y arriver suffisamment tôt le lendemain, en raison des quelques 8 km qui le séparent de sa destination. Arrivé aux abords du site au bout de plusieurs contrôles humiliants aux Check-points, il doit avancer en mesurant chacun de ses pas de peur de se faire tirer dessus. «On sait que soi-même, ou quelqu’un d’autre sera touché de toute façon». Le témoin raconte que, quand enfin arrive le moment de l’ouverture, après de très longues heures d’attente sous le soleil de plomb et les canons braqués des chars, la triste ruée commence où l’on voit des gens, des milliers, se disputer des colis posés au milieu de l’arène, en trébuchant dans les restes de gravats ou roulant dans les cratères laissés par d’anciennes explosions.
Jamal confirme au Guardian qu’il n'a d'autre choix que de retourner à ces sites de malheur, malgré les dangers. «J'y suis allé quatre jours d'affilée sans rien rapporter, rien», confite-il. «Mais que faire d'autre ? Notre vie est un combat».

M. S.

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