Les jeunes candidats au permis de conduire (se) conduisent-ils mieux que ceux des précédentes générations ? La question mérite d’être posée lorsqu’on constate une recrudescence continue des accidents de la route en Algérie. La statistique provisoire pour 2025 donne le tournis : 68.689 accidents déjà enregistrés au 22 novembre, un record national historique. Y a-t-il donc de jeunes écervelés au volant ? Auquel cas, la responsabilité des moniteurs des auto-écoles est-elles engagée ?
Pour tenter de répondre à ces questionnements, nous avons pris attache avec un gérant-moniteur chevronné d’une auto-école d’Alger. Son verdict est sans appel : «Avant de chercher à bien conduire, il faut s’abord savoir bien se conduire. Or, beaucoup de jeunes de notre époque – pas tous, heureusement – se distinguent par une mauvaise conduite, que ce soit vis-à-vis des moniteurs ou des autres conducteurs lorsqu’ils sont en apprentissage.» Une mauvaise conduite qui se manifeste de différentes manières : prétention, arrogance, excès de confiance («Des candidats ont l’outrecuidance d’affirmer d’emblée qu’ils savent bien conduire et qu’ils viennent à l’auto-école juste pour la formalité.»), mauvaises manières et même… négligence vestimentaire.
«Moi, je suis de la vieille école, celle où un candidat doit être présentable. Mon auto-école se trouve dans un quartier populaire, mais je ne tolère pas que des candidats viennent en tenue négligée. Figurez-vous que pas plus tard que ce matin, j’ai renvoyé deux candidats qui devaient passer leur examen de conduite. Le motif ? Ils se sont présentés en survêtement. Certes, j’aurais pu leur procurer des qamis (vêtement long), mais cela aurait été trop facile. Il fallait qu’ils prennent une leçon. C’est pour leur bien : s’ils se permettent de venir, le jour d’examen, en survêtement, ils n’hésiteront certainement pas à conduire avec des sandales une fois le permis en poche.» La prétention des jeunes candidats est avérée. L’un d’eux s’est même vanté un jour, auprès d’un autre moniteur, d’avoir appris à conduire sur un… simulateur virtuel sur internet.
L’usage de stupéfiants par des conducteurs imprudents, constaté par les services de sécurité chez beaucoup de conducteurs ayant provoqué des accidents, est confirmé par notre interlocuteur. «On sait reconnaître un candidat qui est sous l’effet de stupéfiants. Je leur refuse de prendre le volant, pour leur sécurité d’abord et celle des autres.» Le plus stupéfiant – c’est bien le cas de le dire - est que certains se présentent dans cet état même les jours d’examen ! «Ils me disent : ‘’C’est pour me donner du courage.’’ Comme si le courage devait prévaloir sur la lucidité !» Le vieux moniteur n’accompagne plus les candidats au volant depuis quatre ans, mais son fils, qui a pris le relais, lui rapporte régulièrement les lubies des candidats en état second.
Alors que nous discutions avec le vieux moniteur, une femme s’est présentée pour demander les tarifs pour des cours de perfectionnement, tout en avouant qu’elle a obtenu son permis il y a longtemps et qu’elle a oublié même comment faire démarrer une voiture. «Voilà une candidate responsable ! Elle a l’humilité de reconnaître qu’elle ne connaît pratiquement rien à la conduite. Personne ne naît savant. On apprend tous dans la vie. Encore faut-il vouloir bien apprendre.» Et notre interlocuteur de conclure : «J’adhère totalement à un durcissement du processus d’obtention du permis de conduire, ainsi qu’aux nouveaux contrôles inopinés. C’est de vies humaines qu’il s’agit.»
F. A.