- L’histoire du racisme n’est pas celle d’une dérive, mais d’une construction patiente l Du colonialisme au nazisme, la continuité est plus forte que la rupture.
Les «grandes découvertes», mot martelé par la doxa occidentale, furent le prélude à l'asservissement de l'homme avec les empires portugais et espagnol, et leurs dégâts en Amérique du Sud. Parler de la traite triangulaire articulant commerce, christianisme et colonisation. Le tout adoubé par la papauté par le Traité de Tordesillas. Un religieux, Bartolomé de Las Casas, tenta toutefois de s’opposer à ces violences, lors des célèbres Disputations de Valladolid, où l’on débattit de la question : les aborigènes sont-ils des hommes ou des animaux ? Parallèlement, à la fin du XVe siècle, apparait la limpieza de sangre ou «pureté du sang», premier jalon d’une pensée racialiste européenne.
Vient ensuite le Code noir de Louis XIV dans les colonies au XVIIe siècle, qui organise juridiquement l'esclavage dans les colonies françaises. En Amérique du Nord, surgit, au XIXe, siècle la Destinée Manifeste, idéologie qui permettra l’éradication de tribus entières. En Algérie, vers 1885, le Code de l’Indigénat instaure un système répressif fondé sur un statut racial inférieur attribué aux indigènes.
Ces constructions humaines — ce racisme institutionnalisé — sont autant d’arguments montrant que ce sont bien ces systèmes idéologiques qui conduisent les civilisations à leur perte. Le nazisme n’en fut pas la rupture, mais la continuité logique : celle de Gobineau, de Renan, de Kipling et de son White Man’s Burden, de Hegel, et même de Voltaire ou Montesquieu, qui détenaient des actions dans la traite négrière. Le racisme moderne est une construction humaine, progressive, qui a mené la civilisation à ses catastrophes les plus profondes — et que le nazisme est une continuité, non une rupture.
Les droits de l’homme dans l’histoire
L’universalité avant l’Europe : ce que l’histoire oublie souvent, les droits fondamentaux ne sont pas une invention européenne. Il existe des traditions antiques ou africaines bien plus anciennes qui affirment une universalité réelle.
- Le Cylindre de Cyrus le Grand (VIe siècle av. J.-C.) est un Texte fondateur qui proclame : liberté religieuse, abolition de l’esclavage forcé, respect des peuples conquis. Il s’agit d’une forme ancienne de déclaration des droits humains.
- La Charte du Mandé (Empire du Mali, XIIIe siècle) est un Document oral fondamental proclamant : l’inviolabilité de l’être humain, la dignité de chacun, la liberté de circulation, la protection des faibles, l’interdiction de la faim imposée. Elle est l’une des plus anciennes chartes humanistes du monde.
- L’Habeas Corpus (1679) Limite les pouvoirs arbitraires du souverain d’arrêter sans justification.
- Les Déclarations des XVIIe – XVIIIe siècles (États-Unis, France).
- Elles proclamèrent l’universalité… mais dans les faits, restreintes : aux Européens, aux hommes, aux propriétaires. Les Lumières ne furent pas un tournant moral, mais elles ont donné un vocabulaire humaniste à un monde qui restait profondément raciste. Le racisme, loin d’être un phénomène spontané, est le produit d’une construction progressive au sein des sociétés humaines.
Il émerge lorsque les groupes humains, cherchant à organiser leur monde, classent, hiérarchisent et différencient l’Autre. Les premières formes de discrimination reposaient souvent sur l’appartenance à une cité, un clan, une culture ou un territoire. Ce n’est qu’avec le temps que la notion de race, au sens biologique et hiérarchique, a pris forme. L’avènement du racisme dans l’histoire est à la fois tributaire de construction humaine et d’influences religieuses Les dynamiques humaines jouent un rôle central dans la naissance du racisme. Le racisme devient un outil politique et économique. Il sert à légitimer l’exploitation, la colonisation, l’esclavagisme, ou simplement la supériorité revendiquée d’un groupe sur un autre. La part de l’homme : tient à la fois de la peur mais aussi de la domination pour le pouvoir.
La part du religieux : un rôle ambigu
Dans plusieurs civilisations, certains passages religieux ont été invoqués pour justifier l’asservissement ou la mise à l’écart d’autres peuples. Il ne s’agissait souvent pas de prescriptions fondatrices, mais d’interprétations, a posteriori, utilisées pour légitimer des intérêts politiques ou économiques. Paradoxalement, la plupart des courants religieux prônent l’unité de l’humanité : égalité devant Dieu, fraternité, dignité partagée. Le racisme n’existait pas encore au sens moderne, mais il existait des formes de mépris, d’ethnocentrisme ou d’exclusion souvent confondues avec l’ethnographie ou la culture.
Le racisme, tel qu’on l’entend aujourd’hui — c’est-à-dire une hiérarchisation biologique des « races humaines » — n’existait pas dans l’Antiquité. Les civilisations anciennes ne fondaient pas leurs discriminations sur la biologie ou la couleur de peau, mais plutôt sur la langue , les coutumes, la culture, l’appartenance politique le statut (libre/esclave)... Ce qui a souvent été interprété comme « racisme » relève plutôt de l’ethnocentrisme, c’est-à-dire le fait de considérer sa culture comme supérieure. L’Empire perse (achéménide puis sassanide) est souvent cité comme l’un des plus tolérants de l’Antiquité. Etre Perse signifiait appartenir au peuple dominant, mais cela restait culturel et dynastique, pas biologique.
Le monde grec apporte un cas complexe car il a souvent été interprété comme un précurseur du racisme. En réalité, il s’agit surtout de préjugés culturels. Le terme “barbare” désigne celui qui ne parle pas grec. Comment l’Europe est passée d’un racisme ethnocentrique à un racisme biologique ? Après des siècles d’ethnocentrisme et de hiérarchies culturelles, l’Europe entre dans une période où les rapports au monde changent radicalement. Dans un premier temps, les Européens mobilisent la religion pour légitimer leur supériorité : les peuples « infidèles » ou « païens » seraient en besoin de conversion. Mais cette justification ne suffit pas à maintenir : l’esclavagisme, la colonisation, la spoliation des terres, l’exploitation de populations entières.
Naissance des pseudo-sciences raciales en Europe
C’est alors qu’apparaissent les premières théories « scientifiques » hiérarchisant l’humanité, qui feront naître le racisme moderne. Du XVIe au XIXe siècle, certains penseurs élaborent des classifications arbitraires basées sur la couleur de la peau, la forme du crâne, des traits physiques considérés comme permanents.
Ces classifications inventent des « races » humaines et les hiérarchisent, donnant un vernis de rationalité à ce qui n’est qu’un discours de domination. Le racisme en Europe et aux États-Unis, montre comment on passe d’un ethnocentrisme antique à un racisme biologique moderne, notamment à travers : la conquête des Amériques, la traite transatlantique, l’extermination ou la disparition de tribus entières, la mise en place de théories raciales en Europe, et leurs conséquences dans l’histoire des États-Unis.
La colonisation du continent américain marque un tournant majeur. L’effondrement démographique des peuples autochtones Entre le XVIe et le XIXe siècle, des centaines de tribus disparaissent, victimes : de maladies apportées par les Européens, de guerres de conquête, de déplacements forcés, de destruction des écosystèmes traditionnels, de politiques d’élimination... C’est un racisme racial qui considère les peuples autochtones comme inférieurs par nature.
L’Europe aux XIXe et XXe siècles : l’apogée idéologique du racisme
Pendant ce temps, l’Europe développe le darwinisme social, où la société est censée suivre une lutte « naturelle » entre races. Ensuite l’eugénisme, qui prétend améliorer l’humanité en sélectionnant les « meilleures populations », les théories coloniales, qui justifient la domination des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Océanie comme un devoir civilisateur. Ces idéologies conduiront directement aux catastrophes du XXe siècle : génocides, politiques raciales d’État...
Le basculement moderne
Pour la première fois, les Européens se trouvent confrontés à des peuples inconnus sur des territoires immenses. Ce choc culturel, économique et religieux devient rapidement le prélude à l’asservissement de l’homme.
La conquête ibérique : empires portugais et espagnols, prélude à la catastrophe américaine
Les premiers empires coloniaux — portugais et espagnols — inaugurent un cycle de violence d’une ampleur inédite : destruction des civilisations aztèque, inca et maya. Cette domination est renforcée par la religion : l’Église catholique, loin d’être unanime, joue un rôle central. Le Traité de Tordesillas (1494) : une bénédiction papale pour la conquête qui légitime toutes les conquêtes futures au nom de l’évangélisation.
L’esclavage européen et la règle des «3 C»
Christianisation ; Commerce ; Colonisation... cette trilogie a servi de justification idéologique à la domination européenne sur l’Afrique et l’Asie. Les enfants d’esclaves sont des esclaves, sa focalisation sur une seule catégorie d’humanité : les Noirs. La traite triangulaire c’est le commerce de l’homme comme système économique. Dès le XVIe siècle, l’Europe met en place la traite transatlantique, un commerce organisé et institutionnalisé. Le commerce triangulaire fonde un système où les Africains réduits en esclavage sont considérés comme une « race » destinée à être exploitée. Cette vision sera au cœur de la société coloniale. Des millions d’êtres humains sont déportés, privés de nom, de culture, de famille. Face aux violences des conquistadors, un religieux dominicain, Bartolomé de Las Casas, s’élève contre les atrocités (Disputations de Valladolid (1550-1551)). Les Indiens sont-ils des hommes ou des animaux ?
La limpieza de sangre , première doctrine racialisante
En Espagne, après la Reconquista, apparaît un concept lourd de conséquences : la pureté du sang. Elle vise les musulmans, les Juifs convertis, et tous ceux dont les origines sont considérées comme « impures ». Pour la première fois en Europe, un critère héréditaire et biologique détermine la valeur d’un individu. Le Code Noir : institutionnaliser l’esclavage (Louis XIV, 1685) est un texte fondamental des colonies françaises. Il organise la vie des esclaves en définissant juridiquement : leur statut non humain ; le rôle du maître ; les châtiments ; la transmission de l’esclavage par la mère ; la conversion obligatoire au christianisme. Il s’agit d’un racisme d’État, inscrit dans la loi.
La destinée manifeste et l’élimination des tribus
Aux États-Unis, au XIXe siècle, apparaît l’idéologie du Manifest Destiny. Les Américains blancs seraient destinés par Dieu à coloniser tout le continent. Cette croyance justifie : les guerres indiennes ; l’éviction et la déportation de nations entières (Cherokees, Sioux, Cheyennes...) ; la destruction de leurs modes de vie ; l’appropriation de leurs terres. Jim Crow aux États-Unis Après l’abolition de l’esclavage (1865), les États-Unis mettent en place les lois Jim Crow : la ségrégation raciale ; l’interdiction des mariages mixtes ; des discriminations systémiques dans l’éducation ; le logement ; la santé. Ce système se fonde explicitement sur une théorie raciale hiérarchisant les Blancs, les Noirs, les Asiatiques et les Amérindiens. (1) Contrairement au monde arabe, l’Europe a construit une idéologie raciale complète, basée sur la biologie, l’esclavage était de masse, plantationnaire, industriel, héréditaire. Les sociétés colonisées étaient restructurées en profondeur.
Code de l’indigénat en Algérie (1881)
Dans l’empire colonial français, le Code de l’indigénat impose aux Algériens, un statut légal inférieur, des sanctions collectives, un travail forcé, des restrictions de déplacement. L’Algérien était étranger dans son pays du fait d’une surveillance et d’un tarif de sanctions immoraux.
L’esclavage dans les pays arabes
Il est historiquement établi que l’esclavage a existé dans les sociétés arabes. L’esclavage n’était pas racial, mais religieux : la source de l’asservissement était la guerre, l'impôt ou l’achat. Un esclave pouvait être blanc, noir, turc, caucasien, européen… A partir des IXe–Xe, les esclaves été utilisés pour les travaux agricoles. Le Coran tolère l’esclavage mais encourage l’affranchissement comme acte pieux. Sir Geoffroy Fisher écrit que le captif est considéré comme la victime d’une situation transitoire. Il cite, dans La Régence d’Alger, le nom de captifs devennus des capitaines célèbres comme Mourad Raïs. Dans la pratique historique, cela dépendait énormément des époques et des territoires. «Pas d’esclavage héréditaire racialisé : Pas d’idéologie biologique de la race dans le monde arabe classique.» (2)
Le siècle des Lumières, fondement du colonialisme
Le XVIIIe siècle européen est souvent présenté comme une ère d’émancipation et de progrès moral. Mais en réalité, il fonctionne comme un double discours. D’un côté, les proclamations de liberté et d’égalité, de l’autre, une pratique profondément raciale. Dans les faits, cette philosophie des «Lumières» est réservée à l’homme blanc européen. Beaucoup de philosophes des Lumières justifient la colonisation, considèrent certaines «races» comme inférieures, n’appliquent pas leurs propres principes aux peuples colonisés, ferment les yeux sur l’esclavage. Ainsi, «le siècle des Lumières» n’a pas moralisé le «beasty century» (le temps des violences coloniales) : il l’a accompagné, légitimé et parfois intensifié.
Citons quelques intellectuels qui ont légitimité les races supérieures et ouvert la voie à la colonisation. Plusieurs penseurs des Lumières ont formulé des principes universels (liberté, égalité, dignité), mais ces principes furent appliqués de façon sélective : citoyenneté, droits et accès aux ressources furent d’abord limités aux Européens (ou aux propriétaires). Les projets d’ingénierie sociale et d’amendement «civilisateurs» ont servi d’alibi à l’exploitation. (3) Les idées d’égalité servent paradoxalement à justifier la domination : on civilise au nom de l’universel, mais on exclut ceux que l’on considère inférieurs. Jules Ferry, le plus enragé dans son délire «de devoir de civiliser les races inférieures». Gobineau, adepte de la hiérarchie des races, affirme la supériorité de la race «aryenne». Pour Kipling, l’homme blanc aurait le devoir moral de «civiliser» les peuples colonisés. Hegel affirme que l’Afrique n’aurait pas d’histoire et que seuls les peuples européens mèneraient l’humanité vers la raison. Pour Voltaire, Montesquieu : des belles envolées côtoient des pages lugubres quand il décrit les noirs/ «il est impossible de les plaindre». Le nazisme radicalise ces discours et leur donne une forme exterminatrice.
La logique du racisme mène la civilisation à sa perte. À travers cinq siècles, l’Europe a élaboré des doctrines de pureté, des hiérarchies raciales. Le racisme n’est pas naturel. Il est construit par l’économie, la religion instrumentalisée, la politique impériale, les idéologies intellectuelles. Ces constructions humaines qui préparent les pires dérives de l’histoire moderne. Le nazisme, qui succède à la matrice du racisme et du siècle des Lumières, n’est pas une rupture, mais l’aboutissement d’une longue continuité. Le nazisme ne surgit pas du néant. Il prolonge des courants déjà présents en Europe : des systèmes juridiques d’inégalité, des empires fondés sur la domination d’autrui, des idéologies pseudo-scientifiques. Cette logique aboutit aux totalitarismes du XXe siècle, dont le nazisme n’est que le paroxysme, pas la rupture. Au XXIe siècle, le résultat est le même. Les pays anciennement colonisés n’ont qu’une indépendance de façade. Ils continuent à être exploités.
Les fondements du colonialisme
Fort de cet inventaire, apparaît graduellement le colonialisme européen qui repose sur une articulation de trois éléments majeurs : les puissances européennes ont justifié la conquête par une prétendue «mission civilisatrice». Les Lumières «dévoyées» : universalité proclamée mais appliquée exclusivement à l’homme blanc. Le colonialisme n’est pas une aventure morale, mais une entreprise d’extraction : matières premières (caoutchouc, minerais, coton, thé, bois, or, uranium), réorganisation forcée des sociétés selon les besoins du capital européen, travail forcé ou semi-esclavagiste. Pour assurer la domination : Il faut mettre en œuvre une militarisation permanente, une administration dirigée par des colons. On construira des infrastructures destinées non aux indigènes mais à l’extraction (routes, ports, rails). Les répressions continues permettent de maîtriser la solution des répressions massives contre les résistances locales.
Quelques exemples parmi les plus criants des violences coloniales
Le chemin de fer Congo-Océan (1921-1934) de l’ «Empire français» – AEF. Le chemin de fer a été construit pour relier Brazzaville à Pointe-Noire et faciliter l’exportation du bois, du caoutchouc et des minerais. Entre 17 000 et 30 000 morts selon les sources, certains historiens évoquent près de 20 % des travailleurs décédés. Les causes sont connues : surtravail, malnutrition, coups, déportation de milliers d’hommes loin de leurs villages. Ce chantier est devenu le symbole absolu du colonialisme industriel meurtrier. (4)
Les massacres du 8 mai 1945
Ce jour même où l’Europe fête la fin de la Seconde Guerre mondiale, les manifestations algériennes pour l’égalité et l’indépendance sont réprimées de manière atroce. Déchaînement de violence militaire : légionnaires, aviation, milices de colons. Bombardements de villages. Estimations entre 15 000 et 30 000 morts, voire 45 000. Des exécutions sans jugement et des déportations. «Ces massacres sont considérés comme le déclencheur psychologique de la guerre d’Algérie.» (5). L’insurrection de Madagascar (1947-1948) est la révolte contre l’ordre colonial écrasée avec une violence rare : La répression par l’armée française, des exécutions sommaires, tortures, villages rasés, déportations massives. Les estimations d’historiens tournent autour de 30 000 à 90 000 morts. Une guerre d'extermination locale selon certains chercheurs malgaches.
Autres crimes coloniaux majeurs
Le Congo de Léopold II : mains coupées. 5 à 10 millions de morts selon les estimations. La famine du Bengale (1943) - Politique délibérée de réquisition : 3 millions de morts. L’extermination des Hereros et Namas (Namibie, 1904-1908) – empire allemand, premier génocide du XXe siècle.
L’Algérie (1830-1962) – Calvaire de la colonisation de peuplement
Ces épisodes révèlent que le colonialisme n’était pas un projet humaniste, que les infrastructures construites l’étaient pour l’extraction, non pour le développement, que les violences étaient systémiques, que les idéologies européennes (racisme scientifique, mission civilisatrice, universalité sélective) ont rendu ces crimes «acceptables» pour les métropoles. Ces violences expliquent, aujourd’hui, le traumatisme du Sud global, les théories du postcolonialisme, les inégalités géopolitiques, les contestations mémorielles actuelles.
Conclusion
L’histoire montre que les plus belles idées — religieuses, philosophiques, juridiques — ont été formulées depuis longtemps. Le siècle des Lumières a produit un discours universel des droits et de la raison, mais il a été largement réservé à «l’homme blanc européen» : ce discours a servi de légitimation morale et intellectuelle à la conquête, à l’esclavage, à la colonisation et à la formation d’idéologies raciales. Ces processus historiques expliquent en grande partie les malheurs coloniaux du Sud global et les structures post-coloniales contemporaines.
Les séquelles du colonialisme et même du post-colonialisme, telles que le racisme systémique, la dégradation de l'environnement et le sous-développement, continuent d'affecter les populations dans le monde entier, nécessitant des mesures de justice réparatrice et une éducation axée sur l'histoire de l'esclavage et du colonialisme. Pour la présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Mme Verene Sheperd, l'indépendance politique et la décolonisation n’avaient pas entraîné la fin du «mal appelé colonialisme».
La décolonisation économique n'accompagne pas nécessairement la décolonisation politique, a-t-elle fait observer. En d'autres termes, le monde post-colonial a conservé des formes de colonialisme qui s'expriment par la manipulation, l'exploitation, l'expropriation culturelle et les inégalités – même si le colonialisme en tant que phénomène politique appartient pour l'essentiel au passé, a expliqué Mme Sheperd. « Il est temps que les anciennes puissances coloniales admettent les torts du passé et engagent un dialogue sur la justice réparatrice avec les anciennes colonies.»
Le racisme, né d’anciens réflexes d’ethnocentrisme, devient, avec le temps, une hiérarchisation «biologique» destinée à organiser la domination.
Les pouvoirs politiques et religieux ont souvent réinterprété leurs textes pour légitimer : esclavage, ségrégation et hiérarchies humaines.
Du pillage colonial aux génocides du XXᵉ siècle, la logique raciale construit un monde où l’autre est déshumanisé pour servir l’économie, l’empire ou l’idéologie.
Chems Eddine Chitour (*)
(*) Professeur émérite, sénateur, ancien ministre
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1. Statuts coloniaux Théorie de la «mission civilisatrice» (Kipling : White Man’s Burden).
2. Sir Godfroy Fisher The barbary Legend. Editions Waterstones 1957.
3. Colorado Mountain College+1
4. Congo-Océan : Un chemin de fer colonial (J.-C. Robert et A.-M. Feugier).
5. J.-P. Peyroulou, Guelma 1945. Paris La Découverte 2009.
6. Jacques Tronchon, L’insurrection malgache de 1947.
https://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2022/09/afternoon-acting-high-commissioner-addressing-legacies