Azzedine Mekki, chef du service pédiatrie au CHU Nefissa-Hamoud (ex-Parnet) : « il faut former les médecins à diagnostiquer les maladies rares »

El Moudjahid : Ne pensez-vous pas que les victimes de maladies rares orphelines et leurs parents subissent une double peine, à savoir la maladie en elle-même et l’absence d’un traitement ?

Azzedine Mekki : C’est tout à fait juste et c’est pour cela qu’il faudrait, pour limiter les cas, proposer un conseil génétique. Pour avoir un conseil génétique, il faut avoir déjà un diagnostic génétique. Le conseil génétique est proposé à la femme enceinte, car on peut savoir si son fœtus est atteint d’une maladie rare ou non. S’il est atteint, un avortement est nécessaire, pour ne pas avoir un enfant qui sera handicapé, sachant qu’il n’a pas de traitement.

Oui, mais un avortement serait-il accepté dans la société algérienne ?

C’est très difficile. Il y a des oppositions culturelles, religieuses et éthiques. On a commencé à mettre en place le conseil génétique, mais il dépend des examens génétiques. En Algérie, comme dans beaucoup de pays, il y a une errance et un retard au diagnostic. Il faut, donc, former les médecins, pour qu’ils fassent des diagnostics rapidement. Déjà, nous sommes en train de mettre en place le dépistage néonatal, pour voir si les nouveau-nés ont des maladies rares, afin de les traiter rapidement. Il est en projet-pilote pour deux maladies : la phénylcétonurie et l’hypothyroïdie. Lorsque ces dépistages seront généralisés au niveau national, nous inclurons d’autres maladies. Nous avons un autre problème, qui est l’absence de centres de diagnostic de laboratoire, notamment pour les examens génétiques. Le sang des Algériens va à l’étranger pour être testé, et c’est anormal. Il faut donc développer ces centres de diagnostic génétique chez nous. Sur le plan du diagnostic génétique, nous sommes très faibles. C’est une question d’organisation, de rationalisation et de mutualisation des moyens. Il faut encourager la création de ces centres génétiques et former la ressource humaine. Il faut aussi doter ces laboratoires de réactifs et de plateformes de séquençage de nouvelle génération (NGS).

Vous insistez beaucoup sur le volet formation…

Bien sûr ! C’est la clef. Tout commence par le diagnostic clinique. Si, moi médecin, suis incapable de faire un diagnostic, comment pourrais-je orienter mon malade vers la structure adéquate pour faire tel ou tel examen ? Lorsqu’une personne est malade, elle va consulter un médecin, et ce médecin doit être capable d’établir un diagnostic. Même s’il n’en est pas capable, il doit acquérir une formation, pour qu’il sache comment orienter le malade vers certains médecins experts, parce qu’on ne peut pas être expert en tout. Après, le laboratoire aura à confirmer définitivement un diagnostic. Par la suite, le malade est dirigé vers un centre de référence, une structure de prise en charge qu’il faudra créer pour la prise en charge des maladies rares, surtout celles ayant un traitement. Il faut savoir que l’État algérien met un argent fou pour la prise en charge des malades, c’est une réalité, et des progrès extraordinaires ont été faits dans la prise en charge des maladies rares.

Vous avez fait partie de la commission ayant élargi la liste des maladies rares prises en charge à 109 maladies. Pourquoi 109 et pas davantage ?

Il existe de 7.000 à 8.000 maladies rares, on ne peut pas toutes les mettre. Il faut bien faire un choix. Ce choix a été effectué suivant des données épidémiologiques. Il y a des maladies rares plus prévalentes et plus fréquentes que d’autres. Donc, il est préférable de mettre ces dernières sur la liste. De surcroît, nous avons privilégié les maladies rares pour lesquelles il existe un traitement et dont le nombre de malades est relativement important, entre 200 et 300. Ce sont autant de critères qu’on a favorisés dans l’établissement de cette liste de maladies rares.

F. A.

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