Tomber de rideau sur le Festival international du film d’Alger : «Roqia» de Yanis Koussim remporte le Grand Prix du Festival

Après plus d’une centaine de projections, le Festival international du film d’Alger a clôturé sa 12e édition le 10 décembre au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi. Le long-métrage Roqia de Yanis Koussim qui explore l’horreur psychologique et la mémoire collective remporte le Grand Prix de cette 12e édition du Festival du film international d’Alger.

L’histoire commence en 1993 lorsqu’un homme revient dans son village, le visage entièrement bandé et la mémoire effacée. Une spirale de terreur se déploie jusqu’à aujourd’hui, alors qu’un écolier redoute l’éveil d’un mal ancien, tandis que le raqî âgé sombre dans l’Alzheimer.

Yanis Koussim, réalisateur et scénariste algérien, né en 1977 à Sétif, est connu pour un style mêlant réalisme et expérimentation. Il a débuté son parcours avec des courts-métrages tels que Ma sœur (2007) et Khouya (2010), où il aborde des thèmes sensibles comme la violence familiale. Il a ensuite réalisé Un été à Alger et Algiers by night. Son œuvre la plus récente, Roqya, est un film d’horreur qui explore les traumatismes laissés par la «décennie noire» en Algérie. Le film a été sélectionné à la Semaine de la critique de la 82e Mostra de Venise.

L’équipe du film est actuellement au Festival international du film de la mer Rouge, où l’œuvre a été sélectionnée en compétition officielle de la 5e édition, qui se tient à Djeddah du 4 au 13 décembre 2025

À Alger, Roqia à découvrir à partir du 22 décembre dans les salles de cinéma à Alger.

Palmarès des documentaires, courts-métrages et prix spéciaux

Dans la catégorie des films documentaires, le jury a attribué le Grand Prix du meilleur documentaire au film Annab du réalisateur algérien Abdellah Kada. Le Prix spécial du jury est revenu au documentaire brésilien Personne ne naît pour être piétiné, réalisé par Narimane Baba Aïssa et Lucas Roxo.

Une mention spéciale a été accordée au documentaire Mariem Hassan, pour un Sahara libre, consacré à la chanteuse sahraouie Mariem Hassan, figure d’inspiration et de lutte pour le peuple du Sahara occidental. Mariem Hassan, pour un Sahara libre, réalisé par Anna Clara Ahrén, Ibrahim B. Ali, Mohamed Salem Werad, Alex Fitch.

Le jury du court-métrage a annoncé la consécration du film L’Écharpe noire du réalisateur iranien Ali Reza Shah Hosseini, ainsi qu’une mention spéciale pour le film Gardiennes de nuit de la réalisatrice algérienne Nina Khada. Le Prix du jury a été attribué au film Marche du corbeau du réalisateur algérien Khaled Bentabal.

La cérémonie de clôture a également été marquée par la remise d’autres distinctions, parmi lesquelles le prix de «l’Innovation technique», décerné par un jury technique présidé par le réalisateur et monteur Rachid Benallal. Ce prix a récompensé plusieurs films de fiction, courts et documentaires, ayant brillé par leur excellence visuelle, sonore, leur montage et l’usage des nouvelles technologies, notamment : Gardiennes de nuit de Nina Ben Khada ; Victime Zéro d’Amine Benthameur ; Inconnu d’Ahmed Zitouni ; Retour à la ville de Djamel Lakehal et le film d’animation algérien Es’Sakia de Youssef Kalache.

Le Prix du public a été remporté par le court-métrage de fiction The Black Panthers of Algeria: a story of struggle in the land of Revolutions de Mohamed Amine Benloulou, le documentaire Khademet el mout, El-Kheir Zeidane et le long-métrage de fiction Hadda d’Ahmed Riadh.

La cérémonie de clôture s’est achevée par la projection du film La Voix de Hind Rajab de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania. Dans cette une œuvre dramatique de 89 minutes mêlant approche fictionnelle et documentaire, la réalisatrice a utilisé de véritables enregistrements audio et des scènes reconstituées pour raconter l’histoire de la petite Palestinienne Hind et des secouristes qui ont tenté de la sauver.

Fervent hommage à Elaine Mokhtefi

La soirée de clôture a été marquée par l’hommage rendu à Elaine Mokhtefi, militante et autrice algérienne née à New York en 1928. Après la victoire de l’indépendance, elle rejoint l’Algérie en 1962, où elle vivra douze ans comme journaliste et traductrice, au service des institutions et des mouvements de libération accueillis à Alger.

Au cours des années 1960, elle est chargée d’accompagner des représentants de plusieurs luttes – Mozambique, Angola, Afrique du Sud, entre autres – ainsi que la section des Black Panthers. Elle jouera notamment un rôle clé dans l’exil clandestin d’Eldridge Cleaver, l’un des dirigeants du mouvement, vers l’Algérie.

Durant son séjour, elle rencontre le moudjahid et ancien membre de l’ALN Mokhtar Mokhtefi (décédé en 2015), qu’elle épousera par la suite.

Un panel du fFestival a été consacré à son parcours, en présence de la réalisatrice serbe Mila Turajlić, qui prépare un documentaire dédié à Elaine Mokhtefi. Cette dernière a expliqué travailler sur ce projet depuis cinq ans. «Le tournage nous a conduits à New York, au siège de l’ONU, à Paris et en Algérie. Quelques extraits ont été présentés durant le Festival, et nous espérons finaliser le film l’année prochaine», a-t-elle indiqué.

Un film avec Zéro budget

Les membres du jury technique ont qualifié le film L’Inconnu d’Ahmed Zitouni de travail remarquable en qualité d’image et de son en lui attribuant la mention spéciale. En recevant le prix, Ahmed Zitouni a indiqué que son film a coûté zéro dinar et a été réalisé par l’initiative «Let’s Make Your Film» qui s’appuie sur un réseau de techniciens et de comédiens passionnés et bénévoles, prêts à accompagner de jeunes réalisateurs dans leur première expérience de réalisation d’un court-métrage. Grâce à ce réseau, mon film a pu voir le jour sans coût. Espérons que ce festival soit un tremplin pour les jeunes cinéastes algériens.»

Ce court-métrage de treize minutes, réalisé en 2024 par Ahmed Zitouni, met en scène Salima, une artiste indépendante qui découvre un téléphone portable sur le chemin de son retour. Très vite, elle est harcelée par les appels d’une voix mystérieuse réclamant l’appareil. La tension s’installe peu à peu, confinée dans l’espace intime du quotidien, tandis que Salima sombre progressivement dans une situation qui lui échappe.

Création d’un festival dédié au cinéma algérien

La cérémonie de clôture a été marquée par les recommandations du jury technique. Présidé par le réalisateur, scénariste et monteur Rachid Benallal, ce jury a salué l’initiative, une première du genre, de mettre en place une instance exclusivement dédiée à l’évaluation des aspects techniques des œuvres. Les membres ont souligné l’importance de valoriser ces métiers de l’ombre, essentiels à la qualité et à la réussite des films.

Rachid Benallal a indiqué au nom des membres du jury technique qu’ils demeurent pleinement conscients que l’année écoulée a été marquée par un contexte difficile, entraînant une baisse notable du nombre de productions. Malgré cela, ils restent optimistes et convaincus que les prochaines éditions seront portées par un renouveau qualitatif, rendu possible grâce à l’engagement renforcé des professionnels du secteur.

«Cette expérience consolide notre conviction quant à la pertinence d’un événement exclusivement consacré au cinéma national. À ce titre, nous proposons la création d’un festival national du cinéma algérien, dédié aux œuvres soutenues par le FDATIC et organisé tous les deux ans. Ce festival aurait pour vocation de mettre en valeur les compétences artistiques et techniques algériennes, et de contribuer à l’édification d’une industrie cinématographique ambitieuse et exigeante», conclut-il.

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