Parmi les points forts des festivals de cinéma, la projection de films algériens récemment produits, qui manquent de visibilité après la projection en avant-première et une brève tournée nationale. C’est dans cet esprit que les cinéphiles de la production nationale ont pu découvrir, samedi après-midi, à la salle Ibn-Zeydoun, The lovers of Algiers (Les amoureux d’Alger), de Mohamed Charaf-Eddine Ketita, un long-métrage de fiction projeté en compétition de la 12e édition du Festival international du film d’Alger (AIFF).
Inspiré de faits réels, ce drame historique produit en 2024 relate l’idylle contrariée entre Dahmane et Amélie durant la guerre de libération nationale. Après avoir perdu son père à la Seconde guerre mondiale et le remariage de sa mère, le jeune Dahmane est élevé par sa grand-mère, gouvernante de Lucien Démontés, avocat français proche des Algériens. Faisant partie de la famille et grandissant dans un milieu métissé, il tisse un lien fraternel avec son unique fille Amélie jusqu’à l’obtention de son baccalauréat.
Les sentiments surgissent provoquant une histoire d’amour impossible, avec la grossesse d’Amélie qui devait les unir à jamais avant que son plan n’échoue. Emprisonné pour le meurtre d’un Français (légitime défense), emprisonné puis évadé pour rejoindre le maquis, il retrouve sa dulcinée, 20 ans après l’indépendance, en France, quelques heures avant sa mort sur un lit d’hôpital.
Inspiré du roman «Les amants de Padovani», sorti en 2004 aux Editions Dalimen, premier roman de l'écrivain algérien Youcef Driss, également scénariste du film, le défi cinématographique du cinéaste de porter à l’écran une tragique histoire d’amour dans une période charnière de notre histoire n’a pas réussi à conserver un rythme émotionnel soutenu dans la durée.
Durant un peu plus de deux heures, l’œuvre peine, en effet, à maintenir un rythme homogène. Certaines séquences, ajoutées sans véritable justification dramaturgique, comme le meurtre du jeune Français, le procès ou encore les inserts en noir et blanc, censés restituer l’Alger coloniale, viennent rompre l’élan du récit. Ces digressions, plutôt que d’enrichir la narration, détournent l’attention et éloignent le spectateur de l’axe émotionnel principal.
Entamé en 2018 et maintes fois retardé, notamment par la pandémie de la Covid-19, le film a enfin vu le jour. S’orientant vers un discours frontal, moraliste et très narratif, qui s’écarte de l’essence même du cinéma, le film a privilégié des dialogues, souvent longs et explicatifs, qui ont pris le pas sur l’expression cinématographique.
Les images, porteuses de la poésie propre au septième art, manquent d’ampleur, tout comme l’émotion entre les deux protagonistes, pourtant au cœur du récit et porteurs d’une belle histoire d’amour.
Les amoureux d’Alger est un jalon respectable et un acquis de la filmographie nationale. En choisissant d’aborder la guerre de libération à travers une romance, le film ouvre une piste narrative encore peu explorée dans notre cinéma.
K. B.