Si la poésie est le parent pauvre de la littérature, il n'en demeure pas moins que ses passionnés sont nombreux.
En témoigne leur importante présence à la rencontre de Alima Abdhat, samedi après-midi, à la librairie Chaïb Dzaïr, pour la présentation de son tout dernier cru intitulé Ma main est poignée de valise, paru chez l’Entreprise nationale de communication, d’édition et de publicité. C'est devant un aréopage d'intellectuels, d'amis et de poètes comme Nadia Sebkhi et Lazhari Labter que de magnifiques odes ont été déclamées.
Pour ce qui est de l'acte d'écriture et du processus d’édition, la conférencière précise d’emblée sa difficulté. «Il consiste en trois étapes émotionnelles dans la création d'un recueil; la première s'inscrit dans une crise de sens ballottés par des émotions, la suivante c'est la recherche de l'éditeur et la dernière, c'est la rencontre avec le public et le partage», dit-elle.
Evoquant la couverture du livre, Alima Abdhat explique «l'option pour le concept d'une affiche de cinéma avec son implication et son accroche qui s'est imposée»; le regard fermé de la dame à la valise est un regard introspectif, d'où le titre qui intrigue Ma main est poignée de valise dont découle la thématique du recueil'; et d'ajouter «on vit entourés d'objets pour décorer nos vies, on les manipule, ils sont porteurs de turbulences, de tracas, on peut les faire parler comme les archéologues qui font parler les pierres. On écoute leurs silences, et leurs paroles.
Il y a un lien sentimental sur les objets comme le plus ordinaire comme une valise», note-elle. A l'évidence, ce questionnement interpelle sur le fait que tout objet à une âme, faisant un clin d'œil à Alphonse de Lamartine qui disait dans sa célèbre phrase «objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?» Aussi peut-on penser que nous avons un lien irrationnel avec les objets ? Les objets parlent-ils, racontent-ils, chuchotent-ils ou bien ce sont des témoins vigilants de nos vies qui cachent nos secrets et se font discrets ?» Pour la poétesse «la valise est un objet de nos voyages fantasmés ou mobiles, dans l'errance, le voyage d'exil, ou le voyage virtuel». Indéniablement, la valise est un contenant de nos souvenirs, de nos secrets, de nos mémoires, de nos vies, de nos silences, elle conte, narre des pans de vie et de souvenances. Aussi devient-elle un vecteur émotionnel en racontant une vie, un voyage, une réminiscence. La conférencière souligne le choix d'avoir évoqué dans ce contexte les porteurs de valises du réseau Jeanson durant la Révolution; et aussi cet effet, elle fait le parallèle entre les valises de l'exil des Palestiniens avec leurs ballots en rapport à l'anniversaire de la partition de la Palestine, le 29 novembre 1948 et la journée de soutien de la Palestine le 29 octobre, sans omettre l'exil des Africains porteurs de valises.
Ces valises de l'Histoire ont fait l'objet de multiples odes d'un engagement avéré et d'une profondeur d'analyse. Lors de cette intéressante rencontre, de nombreux poèmes ont été déclamés relatifs à la vie, l’amour, la liberté, la mort; des thématiques universelles avec une prose sans rime empreint de sensibilité exacerbée. Ce sont de belles odes pleines d'émotions et au sens profond ! Notons que l'autrice, enseignante à l'université d'Alger, comptabilise à son actif divers ouvrages dont Colères qu’êtes-vous devenues (2019), Puisque tu es mer (2021) et Telle une chair tatouée (2024).
K.A.