Le récent ouvrage de Malika Chitour Daoudi «Marjane», à la musicalité exotique qui sonne comme un beau poème, dévoile un récit passionnant d'une jeune fille aux multiples péripéties.
Fuyant la maison de sa mère suite aux incessants assauts nocturnes de son beau-père, Marjane, âgée de 16 ans, part d'Ispahan, vêtue comme un garçon pour une nouvelle vie. Sur la route qui mène à Samarkand, elle rencontre maître Li, un sage non-voyant plein d'enseignements qui lui fait découvrir le monde. Il narre avec justesse sa vie et son expérience à Marjane tout en lui ouvrant les yeux sur ce voyage périlleux.
Durant ce récit, défile l'histoire de la Chine à travers la voix de maître Li avec la révolte de Taiping (XIXe siècle) et le traité de Nankin. Il met en relief l'impact délétère des occidentaux, notamment anglais, dans cette partie du monde afin d'imposer aux chinois le commerce du parfum noir (opium). Cette belle saga colorée quelque peu tragique permet d'éclairer sur ce contexte économico-politique de la Chine du XIXe siècle et de la route de la soie. Malika Chitour a su avec doigté tenir en haleine le lecteur avec cette narration qui sort des sentiers battus. Elle a fait une incursion dans une Chine à l'économie exsangue et à la situation inquiétante, tout en y greffant la vie de Marjane dans cet univers tourmenté.
Durant ce voyage avec des caravaniers, cette jeune fille apprend les idéogrammes du mandarin et apprend à tisser les tapis. Va-t-elle rester à Samarkand ou poursuivre son exil jusqu'en chine ? Le destin de Marjane est-il déjà scellé ? La romancière, à la verve féconde, nous embarque dans une charmante épopée en dévidant le fil de sa mémoire en symbiose avec la mémoire collective de ces civilisations anciennes, dont leurs cultures et leurs civilisations remontent à plus de deux millénaires. Une belle narration qui slalome entre la fiction et la réalité permet de mieux aborder cette partie du monde et de son histoire.
K. A.
