Master class animée par l’artiste digital Samy Lamouti : quand la technologie redessine les frontières du cinéma

Considéré comme une innovation déterminante et une révolution culturelle au XXe siècle, le cinéma a profondément transformé les arts et la société. Au début du deuxième quart du XIXe siècle, des transformations majeures s’opèrent dans l’industrie du septième art avec de grands enjeux économiques, technologiques et, bien entendu, culturels.

Dans le cadre de la première édition du Festival international du court métrage de Timimoun (TISFF), une master class, intitulée «Le cinéma immersif et l’intelligence artificielle», a réuni deux artistes dont le parcours mérite une halte d’observation ; L’artiste digital algérien, spécialiste des effets spéciaux, Samy Lamouti, et le réalisateur documentaire tunisien Selim Harbi. Les deux intervenants ont exploré, chacun à sa manière, les mutations d’un cinéma en pleine transformation et les opportunités qu’offrent les nouvelles technologies aux créateurs africains. Samy Lamouti a fait savoir de prime abord que le «Visual effects» (VFX) occupe une place centrale dans l’économie du cinéma mondial : «La moyenne des budgets consacrés aux effets spéciaux s’élève à 35 % au minimum. Certains films atteignent les 60 %, et le record reste Avatar avec 99 %, » affirme l’artiste, évoquant Star Wars, Jurassic Park et Matrix comme références fondatrices. Samy Lamouti, qui a déjà participé aux effets spéciaux de grands films hollywoodiens comme Blade Runner 2049 et Tarzan (2017) ou encore Mowgli (2018) a créé l’événement en annonçant l’ouverture prochaine, dans trois mois, d’un studio entièrement dédié aux effets spéciaux, au cinéma immersif, à l’IA et aux technologies visuelles. Basée à Alger, cette structure ambitionne de former une nouvelle génération de techniciens et d’artistes locaux. «Si on maîtrise ces techniques, on peut réaliser des scènes n’importe où dans le monde», explique-t-il. Selon lui, le pays dispose déjà du potentiel juvénile créatif : «La première étape est de penser des films avec des effets spéciaux. La Nouvelle-Zélande, à titre d’exemple, n’était rien avant Le Seigneur des anneaux. Si l’Algérie produit un film qui cartonne mondialement, elle peut entrer dans le top 5 des pays du cinéma.» Pour Lamouti, les effets spéciaux ne doivent pas être opposés à l’art : «On a dit la même chose de la photographie ou du jeu vidéo. Les films à gros budget, dont les effets spéciaux occupent une grande place dans le film, financent les autres œuvres cinématographiques, remplissent les salles et font vivre des milliers de techniciens», a-t-il ajouté. Le réalisateur Selim Harbi a replacé le débat dans une dimension culturelle et philosophique. Pour lui, il est fondamental que les festivals africains s’ouvrent aux technologies émergentes. «L’histoire du cinéma a toujours été intrinsèquement liée à la technologie. Elle aide l’homme à réaliser de meilleures œuvres», a-t-il noté. Le cinéaste a souligné la richesse des réalités africaines : «Nos réels sont tellement denses, avec une explosion de sons et d’images. Les rituels africains sont de véritables espaces spatio-temporels.» Le réalisateur, ayant exploré la musique stambali et les traditions tunisiennes dans ses documentaires, insiste sur le rôle central du patrimoine : «Le patrimoine culturel et rituel est une forme d'intelligence. Le futur, pour moi, c’est se réapproprier nos cultures, qui sont fragiles. Il faut une histoire forte, un scénario solide. L’immersion n’a de sens que si elle s’enracine dans un récit. Utiliser la technologie pour valoriser l’héritage, c’est ce que je défends», a-t-il ajouté tout en appelant les artistes africains à définir eux-mêmes leurs usages technologiques. «C’est à nous de redéfinir comment utiliser la technologie, et non pas de suivre le modèle occidental. Il s’agit de nous réapproprier notre narratif», a-t-il conclu. La rencontre a eu lieu en présence d’une trentaine d’étudiants de l’Institut national supérieur du cinéma (INSC) Mohamed-Lakhdar Hamina qui ont beaucoup apprécié cette initiative qui leur permet d’explorer d’autres aspects de l’industrie cinématographique.

K. B.

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