Entretien réalisé par : Kheïra Attouche
Docteur en médecine et écrivain, Jamil Rahmani revient, dans cet entretien, sur ses ouvrages, avec enthousiasme et exaltation. Son œuvre prolifique témoigne d'une verve littéraire à foison et d'un imaginaire fécond. Dans son dernier ouvrage Bien portant avec la médecine du prophète, paru récemment aux éditions Dalimen et écrit en collaboration avec le Dr Michel Canesi, il explore la médecine des temps anciens, qui est toujours d’actualité. Il met en relief le considérable apport de la médecine des musulmans à l'Occident. Médecin anesthésiste-réanimateur, Jamil Rahmani a occupé les fonctions de chef de service anesthésie-réanimation à l'hôpital franco-britannique de Levallois et à l'hôpital Rives de Seine en France. Auteur prolifique, il cumule plusieurs titres, dont certains coédités avec Canesi, comme Alger sans Mozart, les Femmes de nos vies, le Syndrome de Lazare, les Contes berbères de mon grand-père, Villa Taylor, etc. Son ouvrage, le Syndrome de Lazare, a été adapté au cinéma par André Téchiné.
El Moudjahid : Pourquoi avoir abordé la thématique de la médecine musulmane dans ce nouvel ouvrage ?
Jamil Rahmani : Les éditions JC Lattès m'ont demandé d'analyser le livre de Jalal al ddine al Suyuti, cet érudit égyptien du XVe siècle à la lumière des connaissances existantes; j'étais réticent et beaucoup plus versé dans la littérature. Aussi, j'ai lu la traduction de Suyuti et j'y ai trouvé des conseils de ma mère et de ma grand-mère.
En lisant le livre intitulé La médecine du prophète de Suyuti qui pratiquait au Caire, je me suis rendu compte que les conseils de ce XVe siècle étaient pertinents. Il y a lieu de noter que la médecine musulmane a rayonné jusqu’au XVIIe siècle partout dans le monde, où l'on soignait de la même manière à Cordoue comme à Paris ou à Ispahan.
Pensez-vous que les Occidentaux, à l'heure actuelle, s'inspirent encore de la médecine musulmane par les phénomènes du bio, du vegan, du végétarien et du végétalien ?
Peut-être, inconsciemment, vous savez à quel point l'Occident est autocentré, et ne reconnaît pas toujours les apports de la culture musulmane qui sont immenses. L'Europe se soignait à la médecine musulmane comme la saignée, les lavements et les concepts très actuels de ne pas trop manger, de manger varié, et de se méfier de ce qu'on mange. Le prophète disait «l'estomac est l'autre maladie». Ces conseils judicieux étaient déjà en vigueur à cette époque.
En tant que romancier, quelles sont les thématiques que vous abordez dans vos romans ?
La principale thématique est celle du rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée et surtout celle de la tolérance. J’ai essayé de faire comprendre au lectorat français à quel point la colonisation a été destructrice, jusqu’à ce jour, pour l'Algérie, et comprendre que la douleur des pieds-noirs a été profonde aussi. Le début de la réconciliation passe par la reconnaissance de la douleur de l'autre. La loi sur les bienfaits de la colonisation a été scandaleuse; et les jeunes français et algériens n'ont aucune responsabilité dans les drames qui ont entachés les deux pays par le passé. Il faut que les Etats reconnaissent la douleur et puissent ouvrir une nouvelle page.
K. A.