«Hadda» d’Ahmed Riad : au seuil du silence et du courage

Ph : A. Asselah
Ph : A. Asselah

Projeté mardi soir à la salle Ibn Zeydoun, en compétition officielle du Festival international du film d’Alger, Hadda d’Ahmed Riad s’est imposé comme un drame de guerre d’une sobriété rare. Le réalisateur a choisi de s’éloigner des récits héroïques attendus pour suivre une femme au cœur des montagnes, dans une cabane devenue refuge et école clandestine. Hadda, infirmière, y soigne les blessés, forme de jeunes filles aux premiers secours et assure la liaison entre villages et maquis. Le film explore ainsi une zone souvent oubliée de la mémoire cinématographique : celle de la résistance discrète, fondée sur la transmission et la constance.
 

La mise en scène se caractérise par un dépouillement assumé : peu de dialogues, des silences chargés d’inquiétude, une caméra qui s’attarde sur les gestes plutôt que sur les discours. Les montagnes deviennent un espace à la fois protecteur et oppressant, où chaque bruit résonne comme une menace. La photographie, dominée par des teintes froides, accentue ce climat de tension continue. Ahmed Riad installe une atmosphère presque claustrophobe, où l’attente pèse autant que le danger. L’arrivée d’un officier français, perdu ou infiltré, rompt le fragile équilibre du refuge.

Le film refuse la confrontation spectaculaire : la tension se joue dans les regards, les hésitations, la peur qui circule entre les personnages. Cette séquence, d’une grande maîtrise, révèle la violence invisible qui traverse les zones reculées de la guerre de Libération. Tout se joue dans le non-dit, dans cette pression sourde qui transforme l’espace clos en véritable chambre d’échos psychologiques. L’interprète de Hadda porte le film avec une intensité subtile. Son visage fatigué, sa retenue, sa force calme composent une figure profondément humaine.

À travers elle, Ahmed Riad rend hommage à ces femmes anonymes qui, loin des grandes batailles, ont soutenu la Révolution par le soin, la connaissance et la persévérance. Le film parvient ainsi à évoquer la mémoire sans la figer dans l’héroïsme. Hadda n’est pas sans risques, son rythme lent, son minimalisme assumé et sa volonté de laisser des zones d’ombre peuvent dérouter.

Pourtant, cette frugalité est au cœur de sa proposition esthétique. Ahmed Riad signe un film tendu, rigoureux, où le moindre geste a du poids, où l’émotion naît de la retenue plutôt que du spectaculaire. Hadda n’est pas seulement un film sur la guerre, c’est un hommage aux refuges invisibles et aux transmissions silencieuses. Un cinéma humble, mais d’une justesse rare, qui laisse une empreinte durable.

S. O.

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