La communauté artistique et le public constantinois, profondément attachés à la musique authentique malouf, sont en deuil après la disparition du grand maître Ahmed Aouabdia, survenue jeudi à l’âge de 60 ans.
Emporté au terme d’un long combat contre une maladie incurable, Ahmed Aouabdia était considéré comme l’un des doyens et piliers de l’école conservatrice du malouf constantinois. Chanteur et musicien accompli, il ne se contentait pas d’interpréter les différentes noubas du malouf, il a consacré toute son énergie et l’ensemble de son parcours artistique à préserver l'exécution et la pérennité des noubas. Une musique andalouse raffinée, constante, authentique et fidèle à ses racines ainsi qu’à ses instruments traditionnels. Né le 13 juillet 1965 à Constantine, le défunt a démontré très tôt un talent exceptionnel pour la musique. Il a maîtrisé plusieurs instruments, dont la guitare, la mandoline, le violon et le luth «el oud arabi».
Sa formation a été façonnée par de grands maîtres constantinois, parmi lesquels Kaddour Doussouni, Rabah Bouaziz, Mohamed Tahar Fergani et Rachid Boukhuit. Figure emblématique du Malouf, Ahmed Aouabdia s’est distingué par un parcours artistique remarquable, jalonné de participations à d’importants festivals nationaux et internationaux dédiés aux musiques ancestrales. Sa dernière apparition remonte à 2025 lors d’un festival au Canada. Il laisse derrière lui une discographie riche de 12 albums, couvrant un large répertoire : Malouf, Haouzi, Zajal et Mahjouz, autant de genres faisant partie du patrimoine musical constantinois authentique. Parmi les œuvres qui l’ont fait connaître figurent des chansons inspirées des grandes épopées du patrimoine constantinois, telles que «Ya Hamam», «Henini Henini», la célèbre chanson «Ya Dalma», «Ayni Chkat Maâ Qalbi», «Ya Qalbi Ndaïk Lil Sharh», ou encore «Dakkouni». Dès l’adolescence, il a brillé au sein de plusieurs associations musicales.
À seulement 15 ans, il rejoint l’association Balabel Andalous, puis l’association El Boustanjiya, sous la direction du maître Boukhuit, avant de poursuivre sa formation à l’Institut national de musique avec Kaddour Doussouni. Il terminera son parcours associatif au sein de l’association El Badissia, dirigée par le regretté Mohamed Tahar Fergani. Sa disparition ne prive pas seulement Constantine d’un artiste, elle lui enlève un véritable gardien de la mémoire musicale, une figure qui n’a cessé de défendre un malouf raffiné et préservé de toute dérive commerciale ou dénaturation et exécutée.
Surnommé «le puissant» en raison de la force de sa voix et de la maîtrise de son art, Ahmed Aouabdia a toujours été perçu comme une référence intransigeante sur les règles et les fondements de cet héritage ancestral. Le défunt s’est distingué dans la préservation des textes poétiques des noubas du malouf, interprétés avec une langue arabe soigneusement conservée.
C. D.