Forum de la mémoire d’El Moudjahid : L’artiste combattant

Mohamed Boudia fait parti de ces intellectuels engagés dont le parcours conjugue l’art et la lutte armée. Son itinéraire, traversé par la guerre d’indépendance, l’exil et la cause palestinienne, révèle une pensée lucide et profondément humaine. Entre la plume et le fusil, Boudia a fait des deux, des instruments de libération. Le théâtre devient, dans ses mains, un lieu de mobilisation des consciences populaires, de dénonciation de l’oppression et de projection d’un avenir souverain. Ses pièces comme Naissances ou L’Olivier, écrites en prison, en sont le symbole le plus fort, écrire derrière les barreaux pour faire tomber ceux du colonialisme. L’histoire de Mohamed Boudia est l’un des exemples les plus forts du lien indissociable entre culture et révolution. Pour lui, l’art n’est jamais neutre. Il est une arme, un cri, une stratégie au service de la libération des peuples. À travers le théâtre, l’écriture et le journalisme, Boudia a placé la culture au cœur du combat contre le colonialisme et l’oppression. Tous les témoignages exprimés hier au Forum de la mémoire autour de cette figure emblématique attestent que l’engagement de Mohamed Boudia avec le PFLP et son assassinat par le Mossad en 1973 font de lui un martyr silencieux. Il est l’un des rares Algériens à avoir relié aussi fortement la cause algérienne et la cause palestinienne, sur les plans idéologique, politique et humain. Dès sa jeunesse, Mohamed Boudia comprend que le théâtre peut être un outil de transformation sociale. En prison, il écrit des pièces qui interrogent l'identité, la souffrance et l’aspiration à la liberté. Ses œuvres mettent en scène des situations de domination, mais surtout des personnages porteurs d’espoir et de révolte. Il ne s’agit pas seulement de distraire, mais d’éveiller les consciences, d’armer les esprits. Dans l’Algérie indépendante, il veut créer un théâtre populaire, accessible, porteur de sens politique. À la tête du Théâtre National Algérien, il prône un art tourné vers les masses, dans la continuité des idéaux du FLN. Pour lui, écrire et mettre en scène, c’est militer. Il disait en substance : «L’artiste révolutionnaire n’est pas celui qui parle de la révolution, mais celui qui s’y engage.» Cette vision radicale fait de lui une figure unique : l’artiste-combattant. Aujourd’hui, redécouvrir Mohamed Boudia c’est se rappeler que certaines plumes peuvent être aussi redoutables que des armes, et que certaines luttes ne s’éteignent jamais tant que les mots continuent de les porter.

F. L.

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